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Le Temps, 7 juin 1910

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Le Temps
7 juin 1910


Extrait du journal

ils avaient des femmes sur qui retomber; tan dis que lui, il avait une femme à nourrir... Arrivé à ce point, une simple association d’idées mit M. Verloc face à face avec la né cessité de regagner son lit tôt ou tard dans la soirée. Pourquoi n’irait-il pas se coucher à présent, à l’instant même? Il soupira. Cette né cessité ne revêtait pas une forme aussi agréable qu’elle aurait pu le faire normalement chez un homme de son âge et de son tempérament. Il redoutait le démon, de l’insomnie, lequel, il le sentait, l’avait choisi ce jour-là pour victime. Etendant le bras, il éteignit ,1e gaz au-dessus de sa tête. Une traînée lumineuse pénétrait par la porte du petit salon et tombait derrière le comptoir; la lueur permit à M. Verloc de vérifier d’un coup d’œil le nombre de pièces d’argent que contenait le tiroir-caisse. Il n’y en avait guère. Pour la première fois depuis qu’il avait ouvert boutique, il se préoccupa de sa valeur réelle, et son estimation ne fut pas favorable. Il s’é tait livré au négoce pour des raisons extracom merciales et assez compliquées. D’abord un goût instinctif pour tes affaires ténébreuses où le travail est nul et le profit facile. En outre il restait ainsi dans la sphère que sur veille la police; et M. Verloc ayant des relations secrètes qui le rendaient fort tranquille vis-àvis de la police, cette circonstance était dans sa situation un réel avantage. Mais comme moyen d’existence, son commerce en soi-même était insuffisant., / Il sortit du tiroir la caisse à monnaie et l’em porta. Il s’apprêtait à quitter la boutique quand il s’aperçut que Stevie n’était pas encore monté. « Que peuùil bien faire là ? se demanda M. Verloc. Que signifient ces singeries ? » D’un, air indécis, il regarda son beau-frère, mais il ne lui demanda pas d’éclaircissements. Les rapports de M. Verloc et de Stevie se bornaient . à la réquisition accidentelle, mâchonnée après le petit déjeuner : « Mes chaussures. » Encore était-ce plutôt la manifestation générale d’un besoin qu’un ordre direct. M. Verloc s’aperçut avec quelque surprise qu’il n’avait réellement rien à dire à Stevie. Arrêté au milieu du petit salon, il regardait, muet, dans la direction de la cuisine. Il n’avait pas davantage idée de ce qui arriverait s’il se décidait à parler. Ce qui lui apparut alors de plus certain, ce qui se précisa tout à coup dans son esprit, c’est qu’il avait aussi ce garçon-là à nourrir. Il n’avait jamais envisagé jusqu’alors cet aspect de l’existence de Stevie. Il ne sut positivement comment s’adresser au ....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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