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Le Temps, 7 mars 1911

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Le Temps
7 mars 1911


Extrait du journal

Au directeur du Temps. . La tenue du-conseil de révision ayant amené le préfet dans notre canton, un ami commun nous pria quelques camarades et moi à dîner avec lui, sans cérémonie, en famille. Au total une demi-douzaine de convives, la plupart étrangers aux choses de la politique, ne s’y arrêtant que les. jours où leur répercussion se , faitrplus fâcheuse qu’à l’ordinaire sur la vie so ciale. La conversation gagnait à ce détache ment une heureuse liberté. Il était évident que la qualité du premier magistrat de l’ordre ad ministratif ne gênait aucun de nous. Quant à lui, son uniforme quelque part relégué jus qu’au lendemain, il semblait avoir oublié sa fonction à la porte de son amphitryon. Il par lait, il riait sans contrainte, visiblement satis fait de se délasser à une table profane, do s’y retrouver tout bonnement homme comme un autre. Le matin, il lui avait fallu subir un inter minable déjeuner offert par les maires du can ton. Gomme il y fit une rapide et ironique allu sion, notre hôte, espérant: quelque : plaisante anecdote, lui demanda s’il avait reçu beaucoup de recommandations concernant les conscrits qui comptent plus sur la protection que sur un véritable cas de réforme pour se faire dispen ser du service militaire. — Non, répondit-il. Aujourd’hui, la faveur exerce peu de ravages. Les membres du con seil de révision ont rempli leur devoir envers la défense nationale sans trop d’injustice ni de faiblesse. Il est vrai que les élus — je leur dois cet hommage — nous avaient laissé à peu près tout notre libre arbitre. Ne souriez pas, mes sieurs 1 J’ai traversé un département dâns le quel le respect de la vérité ne m’aurait pas per mit d’en dire autant. Là, je ne sais par quel sor tilège, chaque canton présentait à mes yeux de plus en plus écarquillés toutes les infirmités et toutes les difformités. « Mais c’est la cour des Miracles 1 » m’écriai-je à la fin. Le mot, sortant de ma bouche officielle, parut malheureux aux conseillers généraux. En bons chefs de famille, ils pensaient que le préfet avait pour devoir de suivre l’exemple de leurs fils, neveux, cousins, pupilles, et de simuler la cécité en fermant les yeux devant les pieds bots ou gibbosités d’occa sion. Grâce à leur zèle’accueilli place Beauvau, je ne tardai pas à quitter un paya dont les jeu nes gens privilégiés m’avaient paru pratiquer avec trop de.succès en conseil de révision l’art si cher aux truands de l’ancien Paris. Au moins dans votre département, messieurs, lajeunesse ne rougit pas d’offrir aux plus sévères regards, de droits et solides gaillards. . — Alors, cette tournée de révision vous esi. toute joie? — Ah I je n’ai pas dit cela, diable non ! Sa protestation éclata si vive, si sincère, qu’on la salua d’un, large éclat de rire. Il prit sa part -de notre gaieté, puis il s’expliqua : J — Ici, les misères physiques sont moindres, mais les misères morales sont équivalentes....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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