Extrait du journal
— Vous recommencerez à faire monter l’eau dans vos terres, cet hiver? demanda-t-il. — Oui, répondit Chavasseur, cet hiver et l’hiver prochain, et toujours. Il y avait dans ses paroles la rage d’un entê tement désespéré. — Voulez-vous que je vous dise ? reprit le mé tayer, moi j’ai pas confiance. Je peux •pas me f... dans la tête que l’eau puisse faire «pousser» le vin. Chavasseur haussa les épaules ; — Gela provient des terrains. Enfin, pour la « plante » je n’ai pas trop à me plaindre. Et comme s’il éprouvait une honte à se réjouir d’un résultat si misérablement inférieur à ses espérances, il ajouta : — D’ailleurs, est-ce qu’on peut juger au bout de deux ans ! Il s’éloigna, fit quelques pas, le front baissé sur ses pouces roulant la mince cigarette, et il s’arrêta sur cette même éminence d’où, cinq ans auparavant, il avait vu, glacé d’épouvante, dévaller des moptagnes la formidable invasion du fléau. Maintenant, comme à cette époque, l’après-midi de juillet flamboyait, mais le silen cieux embrasement de l’espace ne pesait plus que sur de mortes étendues. Ses regards s’allongèrent autour de lui, em brassèrent le périmètre du vignoble. Fauchées dans leurs racines, les souches croulaient les unes sur les autres, se réduisaient sur place comme si elles rentraient dans le sol, aspirées par les suçoirs de la vermine qui grouillait à leurs pieds. Sur chacune d’elles, désespérément, le vigne ron tendait ses yeux, cherchant une feuille verte, un symptôme de réveil, ce miraculeux frisson précurseur du surgissement glorieux qu’il appelait de toute l’impatience de sa foi. Mais pas un indice de verdure renaissante, pas un effort de redressement. Cette puissante musculature qui projetait ses rames dans une frénésie de vigueur, soulevait des thyrses en guirlandés de feuillages, grimpait aux arbres pour porter plus haut le triomphe des récoltes, cette musculature qu’il semblait voir, d’un seul effort, tendre ses innombrables nerfs, s’était cassée aux articulations....
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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