Extrait du journal
à là consultation. Tous sont d’accord pour por ter un jugement peu favorable sur la situation de la presse actuelle, et ceux-là mêmes qui pren nent sa défense ne nient point l’existence du mal. Il faudrait être aveugle pour ne point voir le débordement de pornographie qui s’étale sur la voie publique, ou -pour ignorer que la diffama tion et la fausse nouvelle ne sont pas des gentil lesses absolument inusitées. Qui n’a déploré les dangers que de peu scrupuleux industriels font courir à la moralité publique? Quelques-uns des correspondants de la Revue bleue vont plus loin et expriment le regret que la plupart des jour naux, sans commettre de délits caractérisés, montrent plus de souci d’amuser leurs lecteurs que de les moraliser et, en un mot, aient jeté leur « sacerdoce » aux orties. Il y a lieu, en effet, de faire cette distinction, non seulement en fait, mais lorsqu’on passe à la recherche des causes. Est-ce la société qui crée la presse à son image, ou la presse qui façonne la société ? L’une et l’autre alternative a ses par tisans, quoique la plupart des réponses recueil lies par la Revue bleue admettent que la vérité participe des deux explications. A l’axiome d’a près lequel une société aurait toujours la presse qu’elle mérite M. Fouillée répliquait hier en citant la déclaration d’un ministre de 1882, d’après lequel trente mille journaux immoraux seraient distribués chaque jour à la porte des écoles. Prétendra-t-on, demande l’é minent philosophe, que nos enfants aient mérité cette presse, que la responsabilité de ce répu gnant négoce incombe aux écoliers ou à leurs parents, et non pas à ceux qui l’exploitent par simple appât du lucre? , Quant à ce qui est de l’insuffisance éducatrice de là presse, c’est autre chose. On oppose vo lontiers l’ancienne presse doctrinaire, n’ayant : d’autre objet que la lutte pour les idées, à la presse contemporaine, plus frivole, volontiers sceptique et plus soucieuse de divertir que . û’enseigneri'On se plaint que le journalisme ait cessé d’être un sacerdoce pour devenir une in dustrie. Peut-être; "mais, s’il en est ainsi, c’est bien à la transformation des moeurs publiques qu’il faut attribuer cette évolution du journal. Le phénomène est tout à fait analogue à celui qu’on observe en politique. Jadis, un candidat avait un programme à lui et sa campagne : électorale était destinée à en démontrer la jus tesse. Aujourd’hui, la plupart du temps, les rôles sont renversés ; les efforts du candidat visent à deviner l’état d’esprit des électeurs, afin d’y conformer bien vite ses déclarations. De là cette incohérence ou ces obscurités qu’on relève dans maintes professions de foi, et qui viennent du désir de ne mécontenter personne. Le flair, voilà la qualité la plus indispensable à l’homme politique, en un temps où c’est lui qui va au devant des électeurs au lieu d’essayer de les attirer à lui. Il en va de même pour les journaux. Ce qui prime tout pour un candidat, c’est d’être élu, et la nécessité primordiale pour un journal, c’est d’être lu. Si cette condition n’est pas réalisée, à quoi servent les meilleures intentions? Ce n’est pas dans une cave qu’on peut gouverner ou exercer une influence sur quoi que ce soit. Si donc la plupart des journaux ont pour préoccu pation dominante de satisfaire les goûts et de soutenir les opinions du lecteur plutôt que de lui imposer les leurs, il est bien possible que ce régime n’ait pas eu pour effet d’élever le niveau intellectuel moyen de la presse contemporaine; mais à qui la faute? Par conséquent, on peut bien remédier par une meilleure entente de la jurisprudence —• sans compromettre d’ailleurs la liberté —aux délits de presse ; rien n’empêche, par exemple, un homme calomnié de réclamer et d’obtenir des dommages-intérêts sérieux. Mais ceci, en core une fois, n’est qu’un côté de la question. Et le progrès général de l’étiage cérébral et mo ral de la presse, si l’on peut ainsi dire, dépend du progrès correspondant de l’esprit public. Cercle vicieux ! direz-vous. Non pas ; car la presse n’est pas le seul moyen d’éducation et, d’autre part, rien n’empêche qu’à la longue le mal n’apporte avec lui son remède. Si crédule soit-il, un.lecteur trompé à plusieurs reprises par son journal finira par sentir s’ébranler sa foi naïve en tout ce qui est imprimé. Pourquoi y aurait-il un cas exceptionnel où l’expérience ne développerait jamais le sens critique et de meurerait éternellement stérile ?...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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