Extrait du journal

HOMMAGE MÉRITÉ Le Sénat a rendu hier, à M. Buffet, un hommage vraiment digne de la haute assemblée et du membre éminent que celie-ci venait de perdre. Non seule ment son président, l’honorable M. Loubet, a su trouver, dans une rapide improvisation, des termes émus et élevés pour louer, comme il convenait, l’intelligence, l’activité, la force de conviction et’ la courtoisie d’un collègue « profondément attaché à la défense du régime parlementaire et à la liberté de la tribune ». Mais un dos chefs les plus autorisés de / la gauche du Sénat, M. Barbey, est venu, au nom d’un grand nombre de scs amis et au sien, inviter ' l’assemblée à exprimer ses sentiments d’une façon particulièrement significative. «M. Buffet, a-t-il décla ré, était, pour beaucoup d’entre nous, un adversaire politique; mais, comme l’a dit M. le président, il était aussi un de ces hommes éminents qui honorent les assemblées dont ils font partie. Je vous propose, mes chers collègues, de manifester Jes regrets que nous éprouvons sur tous les bancs du Sénat en levant la séance en signe de deuil. » Montant à son tour' à la tribune, le président de la droite, M. Audren de Kerdrel, après avoir dit qu’il avait eu l’intention de faire une proposition analogue, s’est félicité que l’initiative en vint plutôt d’adversaires politiques; puis, remerciant ses collègues de ce qu’ils venaient de faire, il s’est exprimé ainsi : « Je suis fier, très fier d’appartenir à une assemblée, où si l’on est di visé sur bien des points, on sait oublier ces dissen-. timents pour ne se rappeler qu’une seule chose, c’est que nous sommes tous les fils dévoués de la môme France et pour savoir rendre un hommage unanime à la mémoire d’un grand Français.» De vifs applaudissements ont salué ces paroles et, à la suite d'un vote unanime, la séance a été levée. A une époque où les passions s’entrechoquent avec tant de violence, la scène qnë nous venons de retracer n'offre-t-elle pas, dans sa- simplicité, une réelle grandeur ? Cet échangé de nobles paroles, cette communion des sympathies, cette image de la France planant àu-dessus des partis et les rappro chant autour d’une tombe entr’ouverte, n’est-ce pas comme une évocation du véritable génie do notre race, avec cette fleur de chevalerie et de généreuse humanité qui a fait son rayonnement dans le monde. Aucun témoignage ne pouvait, à coup sûr, honorer mieux la mémoire de M. Buffet, et si, parfois, on est tenté de déplorer l’abaissement des moeurs par lementaires en notre temps, des traits comme ce lui-ci les relèvent singulièrement....