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Le Temps, 9 juin 1900

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Le Temps
9 juin 1900


Extrait du journal

Vous Ignorez, mesdames, que les statisticien# n’ont pas de ces délicatesses et que, pour trouver un chiffre vrai, précis, ils fouilleraient volontiers dans les paperasses les plus rebutantes. En quoi, d’ailleurs, ils ne font qu’imiter les autres savants. Donc, mesdames, au lieu de jeter au panier ou au feu vos .livres de ménage, faites-en collection, pour les léguer un jour à la Bibliothèque nationale ou au musée Carnavalet. Vous ne sauriez croire combien prendra d’intérêt, dans trois ou quatre siècles, le prix que vous a coûté, hier, une botte de radis, le pourboire que vous avez donné, avant-hier, à un garçon de magasin, le gage que vous payez, chaque mois, à votre cuisinière ou à votre nourrice sè che ! Il va de soi que lorsque l’on compare les gages des domestiques, à Paris, sous le règne de Louis-Phi lippe et sous la troisième République, on constate une augmentation sensible. Pourtant, l’augmenta-. tion n’est ni très rapide, ni continue. Prenons la « bonne à tout faire ». Elle gagne 20 francs en 1830 ; elle gagne 25 francs vers 1845 ; puis 30 francs vers 1867; puis 35 après la guerre, puis 40 francs en 1875. Depuis lors, elle est restée au même taux. Il est su perflu do rappeler qu’il s’agit ici de moyennes et que l’on peut, aujourd’hui encore, trouver à Paris, vaille que vaille, des bonnes à tout faire, pour uni prix moindre : tout comme il peut arriver que cer taines personnes de cette catégorie gagnent davan tage, soit en raison de capacités supérieures, soit en raison d’un long service chez les mêmes maîtres. La bonne d’enfant gagnait, en moyenne, 15 franc» vers 1855. Elle en gagne 20 depuis 1875. Il faut dira qu’elle avait plus de peine autrefois qu’aujourd’huï, où l’usage des voitures à bébés s’est fort répandu. La cuisinière — n!entendez peint par là le cordon bleu, mais celle qui ne sait pas grand’chose au delà du « bon ordinaire » — est aujourd’hui à 50 francs. Elle a atteint ce chiffre vers 1878. En 1855, elle tou chait 40 francs. M. Bienaymé fait très justement re marquer que la tâche de la cuisinière a été se sim plifiant. La table bourgeoise, au moins dans le» grands jours, était beaucoup plus compliquée jadis qu’à présent. Oh sert, en général, moins de plats. On en fait aussi, plus facilement, venir quelquesuns du dehors. Quant à la femme de chambre, elle a atteint les 50 francs plus tard que la cuisinière, vers 1885 seulement, et ne les a pas dépassés de puis. La conclusion est que, pour la domesticité fémi nine, dans la bourgeoisie aisée, il n’y a pas de hausse dans les gages depuis vingt-cinq ans. Ainsi se trouve confirmée une observation déjà faito pan M. Bienaymé, quand il avait étudié le prix des ob jets de consommation, à savoir que la fameuse maxime : « Tout ne cesse de devenir plus cher » n’est pas d’une exactitude rigoureuse. Lorsqu’on étudie la courbe des salaires d’hommea, on constate que de 1855 à 1890, il n’y a pas eu de variation pour le domestique mâle ordinaire, ni pour le valet de pied, et que do 1890 à 1895, puis à 1900, il y a eu diminution pour ces deux catégories, de môme que pour le valet de chambre proprement dit et le maître d’hôtel. Les causes sont ici très appa rentes. C’est, d’une part, la restriction mise, par suite des crises financières, aux dépenses de luxe ; c’est, d’autre part, l’afflux vers Paris des jeunes gens libérés du service militaire et qui ne veulent pas retourner aux champs. En somme, il n’est pas vrai que tout augmente. Disons-nous cela, répétons cela sans nous lasser et remercions la statistique de cette vue optimiste. Remercions d’autant plus qu’il est probable que bientôt nous aurons des constatations moins agréa bles à faire. M. Bienaymé nous promet un petit es sai historique sur le « sou pour livre », le pourboire, les étrennes, les gratifications. Tout donne à croire que, là, la progression est à la fois considérable et : ininterrompue...j ...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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