Extrait du journal

ques jours et l'armée dévorera, annihilera ses cadres. Les plus graves conséquences peuvent s’ensuivre. On ne fia que trop vu, il y a quel ques mois. Quelle imprudence et quelle folie de raviver ces souvenirs, de s’exposer à ramener ces violences 1 . On dit souvent qu’il est très beau d’être jeune, et cela est vrai, à une condition pourtant, qui est de ne point oublier le rôle social dont on se trouve naturellement chargé, les obligations qui s’imposent à vous, en échange des avantages qu’une,situation privilégiée vous confère: Voilà des jeunes gens qui jouissent, par exemple, d’un traitement exceptionnel devant )a loi militaire. Sans doute, ce n’est pas à eux, in dividuellement que le législateur a fait ce trai tement : c’est aux grandes fonctions sociales . qu’ils rempliront un jour. Il n’empêche qu’ils se trouvent être les bénéficiaires de la dispense conditionnelle. On a eu raison de la faire, cette dispense, et on sait bien que nous nous sommes employés de toutes nos forces à démontrer qu’elle était indispensable à la société même. Mais si la société a un intérêt réel à ce que les études litté raires et scientifiques, médicales et juridiques, ne soient ni rendues impossibles, ni désertées, elle a un intérêt également sérieux à ce que l’or dre règne dans la rue, au quartier Latin comme ailleurs. Si les étudiants n’y prennent pas garde, s’ils ne se sententpascomptables, en quelque me sure,, vis-à-vis des pouvoirs publics, ils s’expo sent à ce que ces tempéraments, justes en euxmêmes, soient de nouveau discutés et, qui sait ? peut-être supprimés. L’intérêt personnel, à sup poser que cesoit un mobile puissant sur leur es prit, devrait donc leur conseiller de se tenir tranquilles, et, au besoin, de faire eux-mêmes la police de leur quartier contre les profession nels de l’émeute, s’il en vient rôder autour de la maison de Sorbonne. ; Mais une autre considération, plus élevée que l’intérêt personnel, entre ici en jeu. Les étudiants doivent l’exemple à toute la jeunesse. Qui donc, si ce n’est eux, enseignera ce respect de l’ordre, si nécessaire dans une démocratie, où l’ordre ne peut et ne doit résulter que du concours de tou tes les bonnes volontés, qui donc l’enseignera aux autres portions de la jeunesse française? #L’employé de commerce, l’ouvrier d’usine, ‘moins instruits, à qui aussi la vie est moins fa cile, ne seront-ils pas excusables de répudier toute discipline, tout instinct d’ordre, si les élè ves des Facultés sont les premiers à le faire ? D’autres temps veulent d’autres mœurs. En dé mocratie, on n’est pas seulement responsable de soi-même : on l’est encore, dans une large mesure, de tous ceux qui vous entourent, de tous ceux qui vous regardent et qui vous voient vivre, et on l’est d’autant plus qu’on occupe une situation plus avantageuse ou plus haute. La supériorité présumée de lumières impose des obligations spéciales, tout comme la supériorité de fortune. Voilà des vérités que l’on ne devrait pas être contraint de rappeler —• si souvent — aux étudiants, mais qu’il faut leur redire — puisqu’ils nous y obligent eux-mêmes — avec sévérité, sans aucun ménagement. S’ils ne cou pent court à l’agitation dont on a vu bouillonner hier encore l’écume, ils jouent gros jeu pour leur compte personnel et ils commettent une lourde faute sociale. C’est sur ce mot que nous voulons finir, convaincus, en amis de la jeunesse universitaire, qu’on est sûr d’êtré entendu, compris, quand on lui parle devoir et généro sité....