Extrait du journal
DÉBUTS DE RÉPUBLIQUE La République portugaise poursuit, semblet-il, avec succès sa jeune existence. Elle a pu blié son programme, très général encore. Elle a notifié sa formation à l’Europe,' qui, suivant l’usage, attendra quelque temps encore avant de lui en .donner acte. Le calme renaît à Lis bonne et l’on peut espérer, sans en être abso lument sûr, que c’en est fini de la guerre ci vile. Dans l’accueil que l’opinion européenne ré serve au régime naissant, on remarque des nuances très sensibles, où s’affirme la diversité des tempéraments et des convictions. Tandis que la presse allemande trouve dans le mépris que lui inspire la « félonie » de l’armée et de la marine portugaises une raison de revendiquer pour l’Allemagne les colonies du Portugal, la presse anglaise se borne.à réserver dans ses ap préciations les intérêts permanents qui lient de puis tant de .siècles Londres et Lisbonne. En France, les commentaires sont essentiellement subjectifs. Les partis «avancés» sont pour la Ré publique portugaise comme ils ont été pour la Jeune-Turquie. Les conservateurs, ou du moins ceux qui se jugent tels, no peuvent croire au succès d’un système issu de la révolution. Des pronostics ainsi motivés sont également dé pourvus de valeur. Et le pire, c’est qu’au mo ment d’en formuler, on se demande si l’on échappe plus que d’autres aux habitudes d’es prit, aux routines d’induction, à tous les partis pris conscients ou inconscients dont est faite la vie intellectuelle. Le plus sage est peut-être de s’en abstenir complètement et de se borner à fixer quelques points qui ne semblent pas discutables. Si la faillite du régime tornbé peut être pour le régime nouveau un gage de durée, — et il en est ainsi dans une large mesure, — ce gage est-acquis à la République portu gaise. Rarement gouvernement fut plus épuisé, plus vidé, plus fini que celui qui a disparu -mardi. La monarchie parlementaire manifestait tous les symptômes de la paralysie générale. Les réflexes par où elle parodiait la vie témoignaient dans leur incohérence de ^anéantissement des forces d’action. Les mots succédaient aux mots selon l’enchaînement accoutumé, mais ne représentaient plus rien. Les ministères et les partis défilaient sur l’écran constitutionnel, avec l’automatisme des ombres de lanterne magique. Que cela ne pût durer, ■ c’était évident, et c’est pour cette raison que le gouvernement provisoire a ptx si vite s’établir. Etabli, comment durera-t-il ? Si l’on pouvait s’abandonner à l’ardeur des espérances, on dirait qu’il durera en faisant précisément ce que son devancier n’a pas fait, — en gouver nant. Gouverner, comme disait Gambetta, avec son parti, pour son pays, voilà le but. Malgré les fautes commises, l’Assemblée nationale, après nos désastres, remplit ce rôle fécond. Elle fut, en dépit des luttes des partis, un régi me de relèvement patriotique et on le conçoit plus clairement à mesure que le temps passe. Les l’épritjiiciim»" portugais" ont- à xériàrz- — cueil de la politique. Nous réservons notre juge ment Qu’ils nous permettent toutefois de leur signaler amicalement l’inutilité de certaines démarches : par exemple le salut fraternel que leur représentant à Paris, M. Lima, a cru devoir adresser au congrès radical et radical socia liste, où, depuis trois jours, éclatent les plaintes des Calypso du comité, inconsolables du départ d’Ulysse et des portefeuilles perdus. Le geste de M. Lima manque de sérieux, eu égard aux circonstances. Ges messieurs devront se préoc cuper d’adapter leur vision de doctrinaires aux réalités positives. De même, il ^aurait danger à ce que la Ré publique portugaise parût mettre au premier plan de ses soucis .l'action anticléricale. L’antioiéricalisme, disait Waldeck-Rousseau, n’est pas un programme; c’est un état d’esprit, — un état d’esprit qui se confond avec la volonté d’être et d’être indépendant dont doit être animé un gouvernement -constitué et viable. Que le gouvernement portugais se constitue définitivement, et s’il le juge utile, qu’il règle sur une base nouvelle ses rapports avec l’Eglise, rien de-plus naturel. Mais l’heure n’est pas venue où les fermetures de couvents soient né cessaires ou suffisantes. On invoque beaucoup à Lisbonne Auguste Comte. Mais le fondateur du positivisme croyait avant tout à l’évolution et le passage d'un «état» à l’état suivant n’était pour lui que la lente conséquence de volontés tenaces agissant dans un long' espace de temps, Tl'nc faut pas abuser du positivisme. Le général André en avait tiré les fiches. Les républicains portugais lui rendront un meilleur hommage...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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