Extrait du journal
tuer M. de Piral. Ma main, dans le fond de ma poche, sous les plis de ma robe, ne quittait, pour ainsi dire pas, la crosse de mon revolver. Vingt fois, jè fus tentée, presque irrésistible ment, de sortir l’arme et de viser. Puis je re mettais, j’attendais encore... Pourquoi?... Par défaillance?... Non, certes. Maintenant que j’y songe, que je m’efforce d’analyser un état d’âme presque inanalysable, je crois avoir éprouvé comme une volupté féroce à prolonger l agonie du misérable, en même temps qu’un infernal orgueil à sentir que je bravais la mort. Je vou lais aussi l’abreuver de terreur et l’écraser de mon mépris. A chaque geste un peu soudain que je faisais, je le voyais pâlir. Durant toute cette journée, nous ne nous quittâmes presque point, ne nous parlant pas, si ce n’est devant les domestiques, et nous épiant comme deux fauves. Mais nous évitions de nous regarder face à face : lui, je ne sais pourquoi; moi, dans la certitude que la vue de ses noires prunelles, sinistres et menteuses, si atrocement détestées, m’affolerait, et que je tirerais à bout portant dans leur ombre maudite, en hur lant de fureur, si j’avais le malheur d’y plonger un instant mes yeux. Nous déjeunâmes, comme la veille, dans la claire salle à manger, avec, autour de nous, l’empressement silencieux des serviteurs. Je mangeai peu, ne touchant aux plats qu’après M. de Piral. On nous servit ie café sous la véran da, en face de la mer. Il faisait un temps ad mirable, et, comme il avait plu récemment, les horizons semblaient partout reculés dans la merveilleuse transparence de l’air. Oh ! la splen deur de cette après-midi... Je me la rappellerai toujours! J’ai encore dans mes regards le bleu précis des vagues, et le bleu du ciel, et le grou pement des voiles, blanches du blanc intense de la craie. J’ai encore dans mes oreilles le cri d’une mouette, qui passa presque au-dessus de nos têtes, et le sourd sifflement d’un vol d’a beilles sur des rosiers, tout près de nous. Une de ces actives petites créatures, lourde de bu tin, vint s’abattre sur notre table rustique. M. de Piral, brutalement, la jeta à terre d’un coup d’ongle. Comme je me baissais pour soulever l’insecte avec une tige de fleur, j’entendis un remuement léger des tasses pleines auxquelles nous n’avions pas encore touché, et, presque en même temps, le claquement sec d’une boîte d’allumettes qu’on referme. Cependant le ci gare que fumait M. de Piral était allumé depuis un moment. Je me relevai vivement. Mon mari se tenait immobile, renversé sur le dossier de sa chaise, les yeux au loin, tirant une longue bouffée de ce même cigare. La boîte d’allumettes avait disparu. Les tasses restaient intactes. Seulement la sur...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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