Extrait du journal
LA JEUNESSE I La France vaudra demain ce que vaudra sa jeunesse. C’est là une vérité première qui, depuis la défaite, a été surabon damment répétée. Il est naturel que la France meurtrie, doufcureuse, se soit retournée vers ses forces d’avenir. Seuls dis paraissent les peuples qui veulent mourir, et notre pays n’est pas de ceux-là. Il se tourne d’instinct vers la jeunesse qui est son espoir et sa plus grande force. Aux heures graves, dans les périls pressants, il ne faut jamais regarder en arrière. L’ordre du jour de la Marne qui a annoncé la victoire vaut aussi bien aujourd’hui alors qu’il nous faut réparer la défaite. Mais qu’est-ce que la jeunesse? Nous nous accoutumons peut-être un peu trop à la considérer comme une entité, comme un être collectif .qui aurait tout à coup surgi sous nos pas, uniquement pour nous rendre la confiance un moment perdue. A notre sens ce serait là une erreur. En nous grisant d’un mot et de formules faciles nous risquerions de nous perdre dans des abstractions, alors que nous avons un besoin si urgent de nous accrocher aux choses tangibles, à la réalité, si dure soit-elle. La jeunesse n’est pas une entité métaphysique. Il n’y a pas de barrière qui la sépare de la Jeunesse d’hier et sa limite n’est nullement rigide. Elle est^Iiée au passé — et, pour notre part, nous n’avons jamais lancé sur la jeunesse d’avant la défaite ces malédictions, ces reproches, qui inciteraient un peu trop les jeûnes d’à présent au péché de présomption et de faux orgueil. Nous n’avons pas davantage désespéré des généra tions adultes, filles de' ces belles générations du feu si cruelle ment décimées, et dont le sacrifice avait forgé la victoire. Non, il n’y a pas une « jeunesse » qui commencerait en juillet 1940 et qui serait une équipe nouvelle séparée de l’autre jeunesse, animée d’on ne sait quel mysticisme puéril. Il y à des jeunes gens — dont le plus grand nombre a connu une guerre mal conduite et mal préparée—qui étaient prêts comme leurs aînés au sacrifice suprême, qui l’ont accompli — ou qui attendent dans les camps de ^captivité l ’heure de par ticiper au relèvement du pays. Il y a des jeunes gens qui n’avaient pas encore été appelés sous les drapeaux, et que le désastre a incités à rechercher avec ardeur les^ occasions de servir, à la place qui leur convient, dans les conditions où le sort les a contraints de vivre. Il y a les jeunes qui sont encore des enfants — et à qui une sorte de démagogie de la jeunesse risquerait de fausser l’esprit et le cœur, et qui finiraient par croire que leur bel âge est une qualité et que la seule jëunesse pourrait leur servir d’expérience et de talent. Qu’jls s’enthousiasment pour un idéal; qu’ils se-pénètrent ;de-leur devoir, qu'ils se soumettent aux disciplines nécessaires, G’est ainsi qu’ils assure ront T avenir du pays. Mais qu’ils n’aient pas la vanité de leur âge, qu’ils se gardent du mépris pour leurs aînés, qu’ils soient modestes. La modestie est une haute vertu pour les jeunes gens, quels qu’ils soient. Et que l’on se garde également*de consi dérer la jeunesse comme une sorte de divinité providentielle, arrivée à point pour régénérer Je monde. Le problème de la jeunesse n’est donc pas aussi simple qu’il paraît au premier abord. Il n’y a pas une entité « jeunesse », il y a des jeunesses diverses — une jeunesse ouvrière, une jeunesse paysanne, une jeunesse intellectuelle... Il y a des catégories de jeunesses. Sans doute est-il bon et nécessaire qu’un esprit commun de foi et de discipline les anime toutes. Mais chacune a ses devoirs, dont le premier est d’accomplir d’abord tout simplement sa tâche, de travailler au poste assi gné, d’écouter les conseils donnés par l’expérience et l’intelli gence plus développées. Nous voudrions parler de ces diverses jeunesses en les replaçant dans le cadre qui est le leur, en leur faisant entendre que l’âge seul —^ si beau qu’il soit — ne suffit pas pour régénérer le monde. La jeunesse d’aujourd’hui reste notre grand espoir et notre consolation. Elle est appelée à faire renaître les vertus les plus hautes de notre race. Elle a la force, elle a la certitude, qui, disciplinées, encadrées, main tenues dans leurs limites naturelles,' réaliseront cette résurrec tion nationale qui se manifesté déjà, malgré les peines et les souffrances....
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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