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Le Temps, 13 janvier 1887

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Le Temps
13 janvier 1887


Extrait du journal

de Bismarck fait son entrée dans la salle def séances. Le président propose de réunir les articles i et 2 du projet en un seul. MM. Riohter et Windthorst s’y opposent. : Le prince de Bismarck prend ensuite la parole. Discours de M. de Bismarck Par leur projet de loi, les gouvernements fédéré* ont exprimé la conviction que la force actuelle d« l’armée allemande ne fournit pas la garantie suffi» santé à la sûreté de l’empire que l’Allemagne a lt droit d’exiger. Cette conviction repose sur l'opinion de nos capacités militaires, dont l’autorité est re connue par l’Europe entière, excepté par le Reichs tag allemand. MM. Richter, Windthorst, Grillenberger font de l’opposition à ces autorités. Comme je ne puis pas admettre que ces messieurs mettent leur jugement militaire au-dessus de celui de l’étatmajor allemand, je dois supposer chez eux d’autres motifs. On a voulu faire croire que le projet n’avait pour but principal que d’obtenir de nouveaux im pôts exorbitants. Cette idée est aussi absurde que si je disais que l’opposition contre le projet avait pour motif le désir que, dans la prochaine guerre, l’Allemagne ne soit pas heureuse. Craint-on peutêtre que le renforcement de l’armée soit demandé pour faire une guerre de conquête ou s’immiscer dans les affaires des autres Etats ? Ce serait faire fausse route. L’empereur a fait deux grandes guer res, seulement pour que l’Allemagne obtienne le droit de vivre comme nation et de respirer. Au jourd’hui, l’Allemagne n’a plus des intérêts guer riers, l’histoire des dernières seize années lé prouve. Depuis le traité de Francfort, le devoir du gou vernement consistait à consolider la situation, Ce devoir n’a point été facile. Il s’agissait de nous re concilier avec les Etats avec qui nous avions fait la guerre. Avec l’Autriche nous sommes arrivés à consolider des relations aussi sûres et basées sur une confiance réciproque comme jamais du temps de la Diète il n’y en avait eu. Nous nous sommes mis d’accord sur toutes les questions. (Applaudis sements.) Les efforts de l’Allemagne doivent tendre à for tifier son armée de façon à pouvoir assurer sou indépendance sans.aucun allié. J’ai cependant cru de mon devoir aussi de chercher à établir des rela tions bonnes entre les trois puissances impériales. Nos propres relations avec la Russie sont aussi amicales que toujours, et aujourd’hui encore audessus de tout doute. De notre côté, ces relations ne seront jamais troublées. Quels motifs aussi pourraient nous pousser à faire la guerre à la Russie? Que nous soyons attaqués par la Russie ou que la Russie cherche des alliances contre nous, je ne le crois pas. Le tsar a toujours eu le courage de son opinion et, s’il projetait des hos tilités contre nous, il serait le premier à le dire. Mais la possibilité n’est pas exclue que l’Alle magne, comme du temps de Frédéric le Grand, ait à défendre seule ses conquêtes. Nous n’aurons pas de querelle avec la Russie si nous ne sommes pas sur son chemin en Bulgarie, comme l’auraient voulu les personnes qui s’opposent maintenant au projet de loi. La presse de ce parti a fait tout pour nous précipiter dans une guerre avec la Rus sie et poussa jusqu’à l’extrême les reproches con tre le gouvernement, dont la politique ne prit point parti pour le prince de Bulgarie. Si j’avais donné dans ces absurdités, j’aurais mérité d’être accusé de haute trahison. Ces déclamations pleurnicheu ses et pathétiques me rappellent la scène d'Hamlet où un comédien verse des larmes sur le sort d’Hécube. La Bulgarie et celui qui doit y gouverner nous sont parfaitement indifférents, et nous ne nous brouillerons jamais avec la Russie pour celte question, avec la Russie dont l’amitié pour nous est plus importante que celle de la Bulgarie et des amis de la Bulgarie en Allemagne. (Hilarité et ap plaudissements.) Notre devoir est d’entretenir la paix entre l’Au triche ét la Russie. La mission est difficile, à cause des intérêts divergents, et parce que je cours le danger d’être pris en Autriche pour Russe et en Russie pour Autrichien; mais nous continuerons nos efforts dans l’intérêt de la paix. Nos efforts, après la guerre française, pour ame ner une réconciliation avec la France ne furent pas moins sincères. Ont-ils été aussi heureux? C’est la question. En France, les choses ont un autre aspect. Je puis seulement parler selon mon juge ment politique; mais je puis faire valoir que j’ai travaillé pendant trente-six années dans la grande politique européenne, et rappeler les époques et les actions où mon jugement politique était dans le vrai et plus juste que celui de l’opposilion par lementaire. (Applaudissements à droite.) La question sur quel pied nous serons avec la* France dans l’avenir, est pour moi non moins im portante que nos appréhensions concernant la Russie et l’Autriche. Je ne parle pas de l’Italie ni de l’Angleterre qui ne nous donnent aucun sujet d’inquiétude. Entre nous et la France la situation pacifique est plus difficile, parce qu’il existe un long processus historique entre les deux pays. Du moment où la France fut arrivée à son unité politique, commença aussitôt lamenacede la frontière allemande. Histo riquement, cela commença par la prise des trois évêchés de Metz, Tou 1 et Verdun. Depuis, une gé nération à peine a pu vivre en Allemagne sans qu’elle ait été forcée d’aller en guerre contre la France. Maintenant encore cet état hostile n’esf pas clos. Gela est dans le caractère français. Nous, de notre côté, nous avons fait tout pour gagner les Français. Nous avons.secondé tous les désirs de la France, excepté celui de reconquérir plus ou moins de terre allemande. Nous n’avons non seulement aucune raison d’attaquer la France, mais non plus la moindre intention de faire la guerre contre elle. Cette pensée nous est totalement étrangère et l’a été toujours, pour moi surtout. (Applaudisse ments.) J’ai été content que l’affaire luxembourgeoise, en 1867, se soit terminée pacifiquement. Quel sera le sort de la paix dans l’avenir? Je ne puis pas le savoir exactement. Je ne puis pas voir dans les cartes de la providence divine. (Applaudissements.) Mes efforts ne tendront jamais à faire la guerre à la France ; mais, elle sera faite cependant, et, plus tard cela sera, plus favorables seront les cir-...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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