Extrait du journal

La première séance de l'Assemblée aurait été tout à fait insignifiante sans une chicane de procédure soulevée par un membre de la droite, M. Dahirel. M. Wolowski était venu lire à la tribune une proposition signée par nombre de députés et dont il semblait que le prompt examen ne pût être contesté par personne. Il s'agissait, en effet, d'une question de patriotisme et d'humanité. Les signataires, s'autorisant de ce que les quelques millions souscrits par les particuliers pour le payement de l'indemnité de guerre rendent libre une petite portion des crédits votés dans le même but, demandaient que cet excédant fût affecté au soulagement des misères des Alsaciens-Lorrains qui ont abandonné leurs foyers pour conserver leur qualité de Français. M. Wolowski avait réclamé l'urgence; le président, M. Grévy, allait la faire voter, lorsque IVL Dahirel a pris la parole pour un rappel au règlement. Lorsque l'urgence est demandée, le règlement prescrit de renvoyer cette demande aux bureaux, si elle est prise en considération, et de ne se prononcer définitivement à ce sujet qu'après discussion dans les bureaux, et rapport en séance publique. Mais depuis que l'Assemblée actuelle existe, cette disposition est restée lettre-morte on a pris l'habitude de voter immédiatement l'urgence sans passer par la formalité -de la prise en considération et du renvoi aux bureaux. C'est contre cet usage que, conformément à la décision prise la veille par la réunion des Réservoirs, M. Dahirel a cru devoir protester, en demandant le retour pur et simple au règlement. La question n'avait rien de politique, mais l'occasion était trop favorable.pour ne pas risquer une pointe sur le terrain brûlant des modifications constitutionnelles; l'orateur de la droite n'y a pas manqué; chemin faisan, il a décoché un trait ironique à la Constitution Rivet. Puis le débat a dégénéré en un dialogue entre le président et M. Dahirel, dans lequel M. Grévy a vainement essayé de faire trancher par un vote le désaccord existant entre le règlement et la pratique. En fin de compte, la solution du point en litige a été ajournée,. si bien que l'urgence n'a pas été votée sur la proposition de M. Wolowski. Les Alsaciens-Lorrains attendront, grâce aux scrupules procéduriers de M. Dahirel....