Extrait du journal
qui faitqu’onn'en peut concéder l’exploitation ex clusive à personne. Quoi qu’il en soit de ces différences, il est évi dent que ce n’est pas au passé qu’on peut deman- ; êer des arguments en faveur des compagnies de colonisation, et nous ne voyons pas qu’il ait surgi de notre temps des raisons nouvelles d’a voir foi en elles. Des deux sortes d’exploitation dont une colo nie peut être l’objet, 'l’exploitation commerciale et l’exploitation agricole, l’exploitation agricole est le but suprême. Les compagnies privilégiées sont manifestement impropres à l’assurer. Il semble que ce soit déjà un organe bien puissant qu’une compagnie au capital de trois millions. Or qu’esfrce que trois millions ? Juste la mise.de fonds nécessaire pour la plantation d’un millier d’hectares de caféiers. Si pour un aussi mince résultat on immobilise entre des mains privilé giées d'immenses étendues, on barre l’avenir au lieu de lui ouvrir le chemin. On a dépensé cinq cent millions de francs pour planter les cent vingt mille hectares de vignes de l’Algérie. Ja mais des compagnies privilégiées n’eussent rélini un pareil capital. Rien que pour produire dans nos colonies le café que la France achète actuellement à l’étranger, il faudrait une mise de fonds sensiblement égale. Ce ne sont point davantage des compagnies privilégiées qui pour ront la fournir. Ce sont comme en Algérie des colons attirés par le gain et venant librement et indéfiniment s’ajouter les uns aux autres. Les compagnies sont, sans aucun doute, plus aptes à l’exploitation commerciale. Si aucune, dans notre passé colonial, n’y a réussi,'les colo nies anglaises en ont connu de plus heureuses, telles que la célèbre Compagnie des Indes, la Compagnie actuelle du Niger. Mais on annonce que, sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement anglais va racheter le privilège de cette dernière pour rendre le Niger au com merce libre. On voit par cet exemple que,, même dans le pays classique dés grandes com- ’ pagnies de colonisation, on en supporte avec im patience l’existence. Peut-on songer chez nous à établir des privilèges dans les parties de nos Colonies où le commerce libre a déjà pris pied ? Ce serait s’exposer à plus de procès qu’aucun, gouvernement n’en voudrait affronter. Et si l’on se borne aux régions encore vierges de notre em pire colonial le champ où les compagnies peu vent encore être essayées,, voilà du coup ce champ bien réduit. L’intérieur du Soudan, l’in térieur du Congo, le Laos restent seuls dans cet état. Donc, inefficaces pour l’exploitation agricole, et possibles seulement dans quelques parties reculées pour l’exploitation commerciale, telles nous apparaissent les compagnies de colonisa tion. Elles peuvent être utiles sur quelques points, elles ne sauraient être en aucune façon l’instrument par excellence de la mise en va leur de notre empire colonial, comme nous le voyons écrire si fréquemment. 11 importe que cette vérité soit enfin établie, car cette mise en valeur, il faudra bien qu’elle se fasse. Et si les compagnies ne peuvent y ai der que faiblement, mieux vaut s’en rendre compte tout de suite et chercher d’autres moyens. Nous ne cesserons de le répéter avec conviction, on a trouvé des colons en France toutes les fois qu’on l’a voulu.-M. Chailley-Bert rappelle des faits d’un vif intérêt sur ce sujet. Les nombreuses compagnies de colonisation de l’ancien régime ont presque toujours été des créations directement inspirées par le roi. Il y intéressait ses amis, il faisait prendre des ac tions à ses courtisans et le gouvernement fai- ; sait de la propagande pour elles. Elles ont toutes i péri, mais la propagande n’en a pas moins por- ; - té. En 1754, il y avait 24,000 blancs à la. Marti nique, 10,000 à la Guadeloupe et 40,000 à Saint- ' Domingue, c’est-à-dire 74,000 colons dans trois des Antilles seulement. Songez qu’il y a qua rante ans bientôt que nous sommes en Cochinchine et quinze que nous sommes au Tonkin, et qu’il n’existe pas à l’heure qu’il est un millier de colons venant de France dans cette grande et riche Indo-Chine. Comment s’y prenait donc l’ancien régime? Il accordait quelques faveurs aux émigrants, ce qui constitue déjà une grande différence avec le temps présent. On sait en -effet qu’au point de vue du service militaire, le jeune homme , qui émigre à l’étranger est aujourd’hui mieux traité que celui qui va dans une de nos colonies. Et l’on sait que les colonies, obligées de recevoir en franchise les marchandises de la métropole, sont obligées de payer des droits de douane pour introduire les leurs en France. L’ancien régime avantageait, nous, nous désavantageons. Ce n’est pas tout, les faveurs qu’il promettait pour son compte, celles que les compagnies promettaient pour le leur aux colons, l’ancien ré gime les faisait connaître. « On n’avait rien ima giné de mieux que de faire annoncer la forma tion des compagnies, au prône de la messe de chaque village, par le curé, qui lisait en outre les prospectus des comités d’initiative. » Ainsi on ne disposait d’aucun des puissants moyens de publicité que nous possédons, et cependant chaque village était informé des entreprises co loniales qui se tentaient. Et on attirait. 74,000 Français aux Antilles. Aujourd’hui on pourrait reprendre une vieille plaisanterie et résumer ainsi ce qui se fait en ce sens : Résultats obtenus par la propagande gouvernemen...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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