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Le Temps, 15 janvier 1941

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Le Temps
15 janvier 1941


Extrait du journal

le sens de Irresponsabilité . Sieyès, qui fut, bien malgré lui, le père des Constitutions consulaire et impériale, jugeait les gouvernements « qui se ter minent en pointe n préférables à ceux « qui se terminent en plate-forme ». Le gouvernement du maréchal Pétain se termine en pointe ; c’est un gouvernement à tête unique, associant étroitement, comme il sied, la notion de la responsabilité au principe d’auto rité, à tous les « relais "» du pouvoir. La caractéristique du régime précédent était, au contraire, de se terminer en plate forme. Des conseils, on en voyait partout ; de chef, il n’en existait nulle part. L’exécutif était réduit au rôle subalterne d’instrument et de commis. L’irresponsabilité du président de la République était érigée en dogme; l’autorité ministérielle était recherchée avidement pour ses honneurs et ses profits, au mépris des charges et des responsabilités, comme l’écrit exactement M. Joseph Delpech dans la Reüue des Deux Mondes. D’Ailleurs les ministres n’étaient responsables que devant le Parlement, qui se bornait à les renverser pour leur rendre par la suite sa confiance quand ils redevenaient de bonnes cartes dans le jeu des partis. Quant à la responsabilité des fonctionnaires, qu’il était élégant, chez les ministres, de couvrir* elle disparaissait par cela même derrière une respon^bilité r théoriquement -pl«-We-mais » qui; -pratiquement n existait pas. Faut-il parler,* a ce propos, du mythe de la solidarité ministérielle qui faisait une sorte de devoir aux cabi nets en exercice de ne pas « découvrir » la gestion des cabinets précédents? Ainsi, de haut en bas de la hiérarchie administrative et poli tique, s’était à la longue institué un régime de laisser-aller, de complaisances, de complicité et d’impunité. De là, ces légèretés criminelles, ces abandons d’autorité, ces faiblesses innombrables, ces nolontés inconcevables qui nous ont conduits à la guerre et à la plus foudroyante des défaites. Mais cette fois il y aura des juges en France pour fixer les responsabilités encourues par les auteurs de cette catastrophe nationale. Ministres, hauts fonctionnaires, militaires, si élevé que soit leur grade, auront à répondre de leurs fautes devant la justice du pays. En créant la Cour de Riom, le maréchal n’a pas voulu seu lement donner une légitime satisfaction à l’opinion publique qui veut qu’on soit impitoyable pour ceux qui, par esprit de parti, par incapacité, inconscience ou lâcheté, ont fait si bon marché des intérêts suprêmes de la patrie et l’ont conduite au précipice. Le maréchal a surtout voulu, restaurer en France la notion, qui semblait perdue, des devoirs et des responsabilités attachés aux charges publiques. Il était devenu vraiment'trop simple, qüand"tôuf_dlâif'dë'md en pisT dè“s*absoudre en accusant les circonstances défavorables, la fatalité, les puissances occultes, pour ne jamais s’avouer vaincu, pour ne jamais se reconnaître fautif. Désormais il n’en sera plus ainsi. La marque distinctive du régime que le maréchal Pétain est en train d’édifier, c’est justement de remettre en honneur tout ce que Je régime précé dent avait laissé prescrire. La responsabilité personnelle des hommes de gouvernement a été la première des mesures aux quelles le maréchal a attaché son nom. Le premier paragraphe de l’acte constitutionnel n° 2 du 11 juillet spécifie en effet ce qui suit : « Le chef de l’Etat français a la plénitude du pouvoir gouvernemental ; il nomme et révoque les ministres et secrétaires d’Etat, qui ne sont responsables que.devant lui. » De récents exemples ont montré à l’opinion publique que cette règle n’était pas une vaine formule. Fini le dogme du chef de l’exécutif irresponsable; finie la notion illusoire de la responsabilité des ministres devant Le Parlement; fini le « jeu de massacre » qui ne faisait jamais choir que les portefeuilles pour permettre aux plus impatients de les ramasser aussitôt. La France, qui se redresse de jour en jour, est enfin appelée à connaître — elle est, du moins, en droit de l’espérer — un ordre politique basé sur la responsabilité réelle de tous ceux, à quelque degré que ce soit,' qui èxercent l’autorité — car ils l’exerceront vraiment, non plus pour se servir, mais pour servir le bien public. Et, qu’elle soit d’ordre politique, administratif ou financier, cette responsabilité sera disciplinaire et pénale. Le temps vient où les hommes revêtus des diverses magistra tures de l’Etat ne parleront plus en souriant du lourd fardeau du pouvoir et du caractère redoutable de leur mission. Qui conque aura le commandement « sans autre considération que celle de ses capacités et de ses mérites » né s’en servira plus qu’avec cette gravité respectueuse qu’éprouvent les grands commis, conscients de l’éminente ^dignité de leur fonction....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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