Extrait du journal

C’est le 13 avril 1598 que fut promulgué à Nantes le fameux édit par lequel Henri IV mit -fin aux guerres de religion et, séparant les choses de la politique des choses de la con science, inaugura, pour la première fois, dans les temps modernes, le principe de la tolé rance civile. Sans nul doute l’œuvre n’était point parfaite en cette première forme. Il y avait, dans l’édit de Nantes lui-même, à côté du principe de la tolérance, une partie politique . qu’imposait la nécessité du moment et que le temps et Richelieu devaient éliminer. Mais ce n’en était pas moins un acte de sereine justice et de haute sagesse qui valut à la France, épui sée par les luttes civiles du seizième siècle, un siècle à peu près de force et de gloire. On peut soutenir que sans l’édit de Nantes le dixseptième siècle, le plus beau de notre histoire, eût été impossible. On le vit bien à partir du moment où Louis XIV, obéissant aux plus fu nestes conseils,détruisit cette œuvre d’harmonie et de paix et révoqua l’édit de son aïeul. Il ou vrit aux flancs de la patrie française une bles sure plus profonde et plus dangereuse qu’au cune de celles que lui firent ses ennemis extérieurs. Sans la révocation de l’édit de Nantes, les désastres eux-mêmes qui assom brirent la fin du grand règne n’auraient pas eu lieu. Guillaume d’Orange ne serait pas monté sur le trône d’Angleterre. La Prusse ne serait pas devenue, du moins si vite, une grande nation continentale : l’Angleterre et la Prusse, c’est-à-dire les deux puissances modernes qui nous ont vaincus et dépouillés depuis lors. On ne saurait donc rencontrer dans l’histoire politique de la France moderne une date plus heureuse, ni qui lui fasse plus d’honneur. La première parmi les nations protestantes comme parmi les nations catholiques, elle faisait entrer dans ses lois le principe qui triompha partout depuis cette date. Les protestants se préparent à célébrer à Nantes, à la fin du mois de mai, ce grand et pa cifique anniversaire. Il faut les en féliciter. Mais...