Extrait du journal
quel étal de prospérité ne serait pas Sidi-BelAbbès! Appliquez la réflexion à toute l’Algérie, et il vous apparaîtra qu’il n’y a point d’exagéra tion à dire que la découverte d’une plante four ragère convenant à son climat et lui permettant d’avoir enfin en quantité suffisante bétail et fumier est le salut pour elle. Il faut que les colons quintuplent le nombre de leurs bêtes bovines et quadruplent le nombre de leurs moutons. Mais pour les y décider, que de questions subsidiaires sur lesquelles ils auraient besoin d’être éclairés! L’agriculture a été jusqu’ici tel lement abandonnée à elle-même, en Algérie, que les points les plus élémentaires de l’art agricole y sont encore à élucider. Peut-elle être un pays d’élevage? Autrement dit, le bétail y peut-il donner un bénéfice? Croi riez-vous qu’on en soit encore à se le deman der! Dans l’Afrique du Nord, les grandes pluies commencent ordinairement en novem bre. L’herbe nouvelle offre do bons pâturages vers le 15 janvier, et jusque vers le 15 juin le bétail trouve une nourriture surabondante dans les champs. Puis, arrivent les chaleurs qui en quelques jours anéantissent .toute verdure. L’herbe qui n’a pas été mangée sèche sur pied, et les animaux broutent cette sorte de foin na turel et les chaumes. Quand arrive septembre, tout cela est à peu près dévoré. Aussi les ani maux maigrissent, et c’est au milieu des priva tions qu’ils attendent l’herbe nouvelle. Cinq mois de bons pâturages verts, trois mois d’herbes sèches et de chaumes, quatre mois de pénu rie, c’est ainsi que le bétail algérien passe son année. Aussi chaque hiver le dénue ment tue-t-il par centaines les bêtes dé biles. Si la sécheresse est plus violente que de coutume, cette mortalité prend la proportion d’un désastre. En 1867, la moitié; des moutons a péri. Beaucoup de colons gagnés par le découra gement, croient que ce sont là des conditions climatériques exceptionnelles et que, pour être propre à l’élevage, un pays doit offrir au bétail une nourriture régulière toute l’année dans les champs. 11 n’y a point de pays semblable au monde ; il faudrait le leur bien répéter. A la Plata, qui est probablement le mieux douée, pour l’élevage, de tous les pays à climat analo gue à celui dé notre Afrique, l’usage des four rages artificiels s’est imposé et on y entretient aujourd’hui plus de 400,000 hectares de luzerne. En Australie et au Texas, on s’est mis égale ment aux fourrages artificiels et on pratique en grand l’ensilage. Partout, que ce soit l’été ou l’hiver, il y a une mauvaise saison en vue de laquelle l'homme doit s’ingénier pour ses trou peaux. Au Texas, on emploie le cactus en même temps que les fourrages ensilés pour la nourriture d’été. Les publications du département améri cain de l’agriculture sont pleines de détails à ce. sujet. Des éleveurs ont inventé des machines pour débarrasser les raquettes de leurs épines et pour les découper. Eh bien, notre Afrique est mieux douée sous ce rapport que le Texas : elle possède une variété de Y opuntia ficus indica qui paraît avoir pris naissance spontanément chez elle, et qui est totalement dépourvue d’é pines. Mais, dans ce pays si dénué- de four rages verts l’été,'on n’en a rien su faire jus qu’ici. Ce n’est pas une plante de France. Voici cependant ce que j’ai vu à el-Ala, près de Kairouan, en Tunisie. Des indigènes ont établi de vastes enclos de cactus épineux im pénétrables, et dans ces enclos ils ont planté des cactus sans épines. Us en ont ainsi 2,000 hec tares environ. Vers le 15 septembre, quand les pâturages sont épuisés ; ils enferment leur bé tail, bœufs, moutons et chèvres, dans ces enclos et les y laissent à brouter des cactus chargés de fruits jusque vers le 15 janvier, c’est-à-dire jus qu'au moment où les herbes ont repoussé. Grâce à ce régime, qui leur épargne les priva tions de la mauvaise saison, leurs vaches sont les plus laitières de la Régence ; leurs bœufs, sur le marché de Kairouan, se vendent, déplus que les autres, 10 centimes le liilogr. de viande nette, parce qu’elle est plus tendre et meilleure ; ja mais ils ne perdent de bêtes par la faim, jamais il n’y a de disette chez eux, aucune plante n’ayant une croissance plus régulière que le cactus. Quand un enclos a servi une année, on le met en réserve l’année suivante, pour que les ra quettes puissent repousser et, sur les raquettes, les fruits, qui sont trois fois plus nourrissants qu’elles et dont un hectare donne 20,000kilos. La deuxième année, l’enclos est de nouveau livré au pâturage. Une plantation dure ainsi indéfini ment. Où est l’homme qui entreprendra la cam pagne du cactus sans épine, comme M. Knill a entrepris la campagne du sulla et apprendra à nos colons quelle ressource ils négligent en lui? Pour en revenir à la possibilité de gagner de l’argent dans l’élevage du bétail, la démonstra tion en est faite chez les quelques colonsqui ont une surface de terre irrigable assez étendue pour permettre l’établissement de grandes luzernières. Les bénéfices varient naturellement avec le prix du bétail. 1892 a été une année mauvaise, mais 1894 est une année excellente. Au total, tous les éleveurs que j’ai pu interroger m’ont...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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