Extrait du journal

connaître les enivrements et les dangers. Tout son être jeune et énergique se refusait à mourir avant d’avoir vécu. Il lui semblait que sa place était marquée dans ce vaste inconnu dont i,es sieppes enchantés s’ouvraient devant elle, mys térieux et prometteurs.... Que ferait-elle de sa liberté? Irait-elle trouver M. Field et lui rappeler sa demi-promesse de jadis1? Non. Elle était trop frêle, trop mince, trop petite fille encore. Per sonne ne la croirait en état de livrer bataille au monde et de s’y créer une place de vive force... Elle pensa à Rosita. Malgré son silence et son oubli apparent* l’actrice était en réalité la seule amie qu’elle eût. Elle lui avait été douce quand tous la repoussaient. Patience résolut soudain de l’aller voir. Descendant à la gare, elle prit le train sans balancer. L’air pur et froid la ranima. De nou veau il lui sembla que la vie pourrait avoir des aspects souriants. Pendant tout le trajet elle se berça de rêves d’avenir, d’illusions sur le milieu artistique, raffiné, où elle allait entrer. Rosita occupait l’étage supérieur d’une somp tueuse maison, aii vestibule dallé de mosaïque, aux colonnes de marbre rose ; un domestique .en livrée mit la jeune fille dans un coquet ascenseur, l’arrêta à la porte de l’actrice et se retira après lui avoir indiqué la sonnette élec trique. Une soubrette française parut sur le seuil, dévisagea la.visiteuse non sans impertinence. » — Je désire voir miss Hernandez, lui dit Pa tience en français. — Mais... je ne sais si Madame reçoit... '— Elle me recevra: Annoncez miss Sparhawk. La femme de chambre se décida à l’intro duire dans l’antichambre et se retira d’un pas léger pour aller prévenir sa maîtresse. Lasse d’attendre, Patience, au bout de quel ques inslants, souleva les lourdes portières que la servante avait laissé retomber derrière elle et se trouva-dans un luxueux salon aux tentures couleur d’ambre et d’ivoire, où les meubles de prix, les mille bibelots coûteux, les rideaux de dentelle, les fleurs exotiques répandues à pro fusion créaient une atmosphère d’un luxe éblouissant. Une sensation indéfinissable s’empara de la jeune fille; elle crut apercevoir un fantôme aux traits indécis et pourtant familiers lui faire si gne de s’enfuir au plus vite sans regarder en arrière... Elle faillit obéir à cette suggestion....