Extrait du journal

On aurait tort de croire que le pays se désin téresse de la politique qui se fait à Paris. Il la suit au contraire d’un regard souvent plus inquiet que content, il essaye de la comprendre et n’y réussit pas toujours. Il la voudrait plus simple et plus claire. Vienne une élection quelconque, il fait ce qu’il peut pour exprimer sa propre pensée, puis s’étonne, quand par chance il l’a signifiée avec une suffisante pré cision, qu’aussitôt de droite et de gauche on la déforme pour un profit de parti, et qu’on pré tende qu’il a dit oui alors qu’il avait dit non, et inversement. C’est encore à peu près ce qui vient fie se passer. Il semble d’abord que per sonne n’ait voulu reconnaître. ni même n’ait reconnu que la caractéristique des dernières élections a été le parfait mépris manifesté par le pays pour les diverses étiquettes où nos parlementaires s’imaginent avoir formulé des programmes. 11 regarde, lui, claquer au vent ces bannières, sans émotion comme sans res pect. Il ignore de quel parti sont ces couleurs. Cela est si vrai que les journaux se sont sentis obligés d’expliquer par des commentaires à leurs lecteurs ce que c’était que la gauche démocratique, et l’union républicaine, et l’en tente. Nos plus acharnés liseurs de province, les plus ferrés sur la vie parlementaire, ne savaient pas toujours quelles têtes il y avait sous ces chapeaux, têtes de mpdérés ou têtes de radicaux. Les électeurs d’ailleurs ont assez vite discerné que le môme titre recouvre sou vent des opinions très divergentes, que, par exemple, il y a radical et radical, l’un orienté à droite, si l’on peut dire, et l’autre à gauche, et sans nul souci de dohner à tel ou tel groupe matière à crier victoire, indifférents aux éti quettes, ils ont en somme élu en grand nom bre les républicains politiquement, sociale ment, nationalement les plus conservateurs. Pas de bouleversement, et d’aucune sorte! Voilà bien la volonté populaire que le vote a mise en plein relief, et que trop de glossateurs intéressés ont tenté de cacher sous l’amas des si et des mais. Ce scrutin a confirmé l’opinion de tous ceux qui vivent en contact avec les mas ses, et qui est que le peuple français reste très; attaché à sa vieille République. La propagande. royaliste n’a mordu que sur quelques^, jeunes, intellectuels ' ou bourgeois, et'la propagande communiste n’a recruté qu’une poignée de mécônteftts, d’esprits aigris ou chimériques. Nous n’entendons pas, du reste, mettre ici en parallèle ces' deux "propagandes, contradictoi res par le but comme par les moyens, mais ellesont ceci de commun qu’elles prétendent suppri mer la démocratie. Justement, c’est à quoi est résolument opposé notre peuple, qui, tout en se, plaignant souvent que ses affaires soient mal ^conduites, se défie plus que jamais de ceux qui se proposent pour faire, sans lui, son bon heur. Il se sent majeur, et capable d’adminis trer lui-même sa propre fortune. Il a d’ail leurs fait la douloureuse expérience que les in novations sont souvent loin d’être des progrès., S’il ne répugne pas à des réformes; soit dans l’ordre politique, soit dans l’organisation éco nomique, il n’en veuf que de prudentes et de sagement mûries, et qui puissent être réalisées dans la paix sociale. Il veut surtout conserver ce qu’il a, estimant qu’un « tiens » vaut beau coup plus que deux « tu l’auras ». Et c’est une fois de plus ce que son bon sens a déclaré à tous les agitateurs., /. : Mais c’est, surtout une volonté de conserva tion nationale que les électeurs ont affirmée. Ils ont donné leurs voix à ceux qui ont mis dans leur programme la défense des droits et de la . vie de la nation. Qn neut même dire gu’ils ont...