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Le Temps, 18 novembre 1918

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Le Temps
18 novembre 1918


Extrait du journal

Et maintenant l’on se demande si, la France ayant été libérée de l’invasion étrangère, l’af franchissement va être total. Des asservisse ments économiques ont été organisés pour la guerre. La liberté du travail supprimée, les initiatives indépendantes poursuivies, l’Etat érigé en maître des produits, en dispensateur des transports, en arbitre souverain des va leurs et'des prix, on a-vu et*subi ces servitudes. Les jougs vont-ils tomber? Par patriotisme* chacun s’y courbait, malgré les dommages manifestes causés à la chose publique, plus encore qu’aux intérêts privés, par la désorganisation des garanties fonda mentales de la production et des échanges. Mais la victoire est venue — la victoire du droit et de la liberté, comme le répètent à l’envi tous les orateurs du gouvernement. Oh l’en tend proclamer à toutes les tribunes; on le lit sur tous les murs. Quelle va être la réalité? Les nations de proie ont été vaincues; les ci toyens français vont-ils recouvrer les libertés nécessaires pour la conquête desquelles la Ré volution émancipatrice a été faite? Certes, une telle interrogation ne devrait même pas se concevoir, tant elle semble com porter un doute sur la victoire elle-même. L'écrasement des nations esclavagistes n’au rait-il /été qu’une apparence, et les Barbares, chassés de notre sol, domineraient-ils nos lois et .gouverneraieiït-ils nos esprits? La propriété individuelle ne devrait-elle plus s’admettre en France, qu’à la mode marxiste, c’est-à-dire pré caire, subordonnée à l’arbitraire de pouvoirs spoliateurs? En attendant la confiscation géné rale, dernier terme de la réaction économique à laquelle s’acharnent les partisans actifs de la lutte de classes, allons-nous continuer d’as sister aux empiétements de l’Etat? , Tantôt à l’abri et sous le nom de consor tiums ; tantôt au moyen de monopoles, avoués ou déguisés, dont on médite même d’accroître le nombre; tantôt par des dispositions sour noises, glissées dans des cahiers des charges, en violation même de lois non abrogées; tan tôt par des réglementations, soit administra tives, soit fiscales, ou bien encore des lois ré troactives brisant les conventions conclues, en levant toute sécurité aux entreprises, niant le droit des personnes et sapant ainsi la civilisa tion elle-même, tout un collectivisme s’installe. En opposition avec le génie de la France, une formidable mainmise s’institue. Permettra-t-on qu’elle se développe? Quand prendra-t-elle fin? Parmi les conditions de l’armistice, il en est qui ont éveillé, dans le monde du travail,* de vifs espoirs. Celles-ci, par exemple : • H sera livré aux puissances associées : 5,000 machines montées et 150,000 wagons en bon état de" roulement et pourvus de tous rechanges et agrès nécessaires, dans les délais dont le détail est fixé à l’annexe n° 2 et dont le total ne devra pas dépasser trente et un jours. 11 sera également livré 5,000 camions automobiles en bon état, dans un délai de trente-six jours. Ainsi, les transports normaux auraient chan ce de reprendre à bref délai. Encore faut-il, ce pendant, qu’ils puissent être commercialement utilisés. Qu’on suppose maintenues les forma lités inextricables au milieu desquelles se dé battent industriels, commerçants, agriculteurs ; qu’on imagine restant en vigueür les autorisa tions, priorités, timbres, paperasses, aléas bu reaucratiques de tout genre, avec lesquels les travailleurs sont aux prises; que l’Etat per siste à peser sur le régime des chemins de fer, à menacer de mort les compagnies ou à les désorganiser par le bouleversement de leurs tarifs, de leur crédit ou de leur personnel, il va de soi que les perturbations économiques et sociales existantes, bien loin de cesser, iraient encore en s’aggravant. A quoi bon des wagons, si l’on ne peut pas s’en servir? L’Etat s’était proposé dernièrement de s’em parer des réseaux restés en dehors de ceux qu’il a rachetés, et il eût accompli cet acte au mépris des contrats qu’il a, passés avec les compagnies. En vertu du droit du plus fort, sans doute, par une simple manifestation de sa volonté exprimée sous forme de loi, il eût com mis celte spoliation. Le projeta été déposé à la Chambre. Les nécessités de la guerre ser vaient de prétexte. L’armistice survenant, il a bien fallu reconnaître que ce projet de loi se rait indéfendable. Mais a-t-il été retiré^ par le gouvernement? En aucune façon. Il a été seule ment retiré de l’ordre du jour de la Chambre. A la séance du 13 novembre, le président de la commission des travaux publics a fait cette déclaration : Les événements heureux de ces derniers jours ont singulièrement changé les conditions du débat. C’est pourquoi la commission et le gouvernement sont d’ac cord pour demander à la Chambre le retrait provisoire de ce projet de loi de l’ordre du jour. De sorte que la menace subsiste. Les « condi tions du débat » sont seules indiquées comme modifiées; quant au projet de loi à qui la guer re servait d’excuse, il est maintenu. Il ne dis paraît que de l’ordre du jour; et encore ce re trait a-t-il été déclaré « provisoire ». Quel est ce régime? La guerre et l’invasion ont cessé du côté ennemi; toutes les institutions qu’elles avaient plus ou moins motivées ne devraientelles pas s’écrouler? A la date du 29 octobre, alors que la fin des hostilités semblait encore assez lointaine, une décision interministérielle a été rendue par le ministre de l’armement et des fabrications de guerre, d’une part, et le ministre du commerce, d’autre part. On y lit que, « en vue d’assurer la répartition et l’utilîsation, au mieux des in térêts de la conduite de la guerre, des matières premières et ressources industrielles dont ils ^disposent », las gouvernement alliés ont pris.....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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