Extrait du journal

voulu qu’il lui fît un reproche sanglant, mérité, afin qu’elle pût lui en demander pardon à ge noux. Celui qui l’aimait plongea jusqu’au fond des beaux yeux assombris par la colère ses yeux d’homme qui avait aimé et souffert. — Vous le croyez vraiment, ma cousine! ditil. Si vous le pensez, je n’ai plus qu’à me retirer d’une maison où j’avais rêvé de gagner une place et d’apporter mon concours au bonheur de tous, même au vôtre. Mais, avant de partir; je vous laisserai la preuve que je suis moins insensible que vous ne le croyez au plaisirqu’on peut éprouver à s’épancher en lignes rimées. Délibérément, il s’assit devant le petit bureau, attira le livre à lui et sur la page nettoyée écri vit sans se presser, d’une belle écriture droite et ferme, quoique son pœur battît à grands coups dans sa poitrine. Eh bien, puisqu'il le faut, je vivrai pour les autres ! Si mon rêve d amour demeure inachevé, Si je ne dois pas voir ce que j'avais rêvé... ; Les bonheurs du prochain peuvent être les nôtres. Quand je passe, et je vois tant d’yeux tournés vers moi, Parfois une humble main tremblante qui s'avance, Je comprends mon devoir, et ma pauvre éloquence ; Dans ces cœurs ignorants fera germer la foi. Plus tard, je vieillirai, très triste et solitaire, A mon foyer désert, sans femme et sans enfants, Sentant tomber le poids toujours plus lourd des ans ; Heureux pourtant du peu que, seul, j'aurai pu faire... Pendant que Landry écrivait, Antoinette s'é, tait rapprochée de lui ; ce n’était pas la curio sité qui la guidait, mais le cruel souci de ce que cette âme froissée allait lui dire; une malédic tion peut-être? Avait-elle mérité autre chose, avec un éternel adiou?'Et s’il l’écrivait, cet adieu, elle sentait que son cœur à elle éclate rait dans sa poitrine, de douleur, de honte, et de remords. Elle vint de plus en plus près, lisant enfin par-dessus son épaule. Comme il écrivait le dernier mot, sentant dans ses cheveux la res piration oppressée de la jeune fille, il se re tourna et la reçut dans ses bras...