Extrait du journal

ment où arrive André, le fils légitime. Celui-ci croit sa mère coupable du meurtre et s’accuse pour la sauver. Mais Anne-Marie aimait André en secret. Elle avoue son amour aux deux papas. Retourne ment prévu : les deux papas vont sauver André à tout prix, et pour cela Papa Grand s’accusera du crime. Le vieux chenapan — à ce moment il est sympathique à toute la salle — serre dans ses bras Anne-Marie,fait, en aparté, ses adieux7 à la vie et exprime l’amer regret d’abandonner en plein bonheur les délicieuses sensations de la demi-paternité. Il pousse même la délicatesse jûsqu’à ne faire part de ses intentions à per sonne, et il s’arrange pour perdre avec son compère la partie d’écarté à la suite de laquelle il assumera sur sa seule tête la responsabilité des fautes (atténuons I) commises en commun et laissera au gagnant le droit de se proclamer père unique. Le drame s’est haussé d’un ton. Nous sommes presque à Mademoiselle de Belle lsle. Et le soir même, au cours d’une fête de nuit donnée dans un lavoir (c’est la mi-carême), Papa Grand met du plomb dans ses bottes et se jette à l’eau, au moment où l’on annonce le commissaire. Il ne remontera pas, mais la pièce semble à flot. Autour de tout cela, blanchisseuses, masques farandoles, musique, décors pittoresques. Henry Krauss a obtenu le plus vif succès dans Papa Grand, grâce à la conviction et au foyer indispensables au genre, et de plus en plus rares. Courtès est parfait de bonhomie et de fi nesse dans un tout petit rôle. Villa, dans le rôle de Souillard (Petit Papa), est fort gai, selon son habitude. Mlle Suzanne Demay fait Anna-Marie avec une ingénuité gracieuse. Mlle Marcelle Bailly tient de manière méritoire le rôle ingrat de Mme Vardal. Tous les autres artistes, et ils sont nombreux, méritent d’être loués en bloc. Voici une œuvre forte et belle, la Monna Vanna, de M. Maurice Maeterlinck, qui nous a été donnée au Nouveau-Théâtre. ' J’avais beaucoup goûté les dernières œuvre? d’observation ou de fiction de M. Maeterlinck, et surtout ses admirables Abeilles, mais, comme auteur dramatique, j’avoue que je n’avais pu mordre ni à la Princesse Malène ni aux Aveu gles. Beaucoup de talent, certes, mais encore plus d’obscurité et de bizarrerie. Puis, un abus du symbole au prix duquel Ibsen en est économe. Grande et joyeuse a donc été ma sur prise, lorsque je me suis trouvé en présence d’une œuvre claire, nullement symbolique, con-. çue avec vigueur et exécutée avec simplicité.. Ce n’est certes- pas de l’art bourgeois et le lointain historique ne sert, comme dans la tra gédie, qu'à donner plus d’ampieur et de gran diose aux passions exceptionnelles qui y sont mises en jeu. Mais ces passions sont humaines et nobles ; le cadre historique est d’une sombre beauté. Enfin, cette peinture est exécutée.avec des couleurs éclatantes et chaudes, mais sans;...