Extrait du journal

jeune femme toujours à genoux devant sa cou chette, en proie à des déchirements intérieurs, d’où devait naître la résolution suprême d’une âme bouleversée. XIX Sur des hauteurs dénudées, un peu à l’écart de l’hôtel, se trouve, au pied du mont Cervin, le lac Noir, petit étang sombre, dont les eaux d’un vert noir gisent immobiles dans leur bassin de rochers. Les guides en passant le montrent à leurs clients, et rapportent qu’un des leurs per* dit autrefois la vie .dans cette mare. Un guide périssant au pied du Cervin, cela leur paraît un fait étrange, si étonnant, et ils ont peine à com prendre qu’à ce récit l’étranger réponde d’un geste indifférent, et puisse chercher des yeux l’hôtellerie qui l’attire. Aujourd’hui ils avaient encore un motif par ticulier pour montrer à leurs excursionnistes ces eaux mortes, que même l’azur éclatant d’un jour d’été n’arrivait pas à faire étinceler. Le monsieur solitaire, moitié étendu, moitié assis sur les blocs réchauffés par le soleil — oui... oui... ce monsieur barbu, avec un bandeau noir autour de la tête... c’était celui-là même qui,: plusieurs jours auparavant, avait fait une chute pendant la tempête de neige, et en. était revenu comme par un miracle. .-On civa.il entorré eon compagnon la veille, en bas, à Zermatt. Lui al lait fort bien. Il était à peu près remis. Seule ment il ne parlait pas encore, et restait toute la journée en plein air, assis sur quelque pierre, à regarder dans le vallon, comme s’il attendait avec impatience la venue de quelqu’un. Il est vrai... quand on s’est ainsi brisé la tête contre les rochers, il n’y a rien d’étonnant qu’on reste encore un certain temps un peu bizarre. Cela se passera. ■ Leurs voix expirèrent dans le lointain. Guides et touristes descendaient vers l’hôtel. Il était de nouveau seul avec lui-même et ses pensées. Ou plutôt : il n’avait qu’une pensée unique. Il attendait. Depuis deux longs jours. Autour de lui les Alpes se dressaient en un cercle étincelant. Le jour-illuminait encore leufs cimes, quand la nuit s’annonçait déjà dans le v&L Mais aujourd’hui ces colosses bien connus le laissaient froid. Il regardait avec indifférence sur sa droite les cimes du mont Rose assaillant les Jiuéesuet le dos rond du blanc Breithorn, sur sa gauche le perfide Rothorn de Zinnal, les Gabelhœrner aux flancs déchirés, la Dent-Blanche cuirassée de glaces, le hideux et informe dôme, JeRiinDfieschhorn avec ses dents rocheuses har...