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Le Temps, 22 novembre 1889

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Le Temps
22 novembre 1889


Extrait du journal

toutes les fractions du parti républicain. » Il s’éton nait qu’on ait choisi dès le premier jour, parmi les réformes dont l’opinion s’occupe, celles qui parais sent les plus difficiles à faire accepter par le parti républicain tout entier. Il concluait en adjurant ses amis de ne pas laisser dire que, par leur fait et dès le premier jour, l’union avait été rendue impossible et le travail stérile. La réunion socialiste révolutionnaire dont nous avons rendu compte et à laquelle assistaient, le soir même, MM. Millerand et Hovelacque, a permis au public de juger la valeur de cette série de déclara tions ; la proposition que ces deux députés vont dé poser aujourd’hui et que nous avons signalée hier, suffira pour édifier la Chambre. Elle porte qu’un crédit de 100,000 francs sera ouvert pour les grèves du Nord et du Pas-de-Calais et qu’une amnistie sera accordée aux grévistes qui ont commis des dé lits ou dos crimes. Les auteurs pensent-ils sérieu sement que la Chambre puisse s’associer à leurs vœux? Non, sans doute.Ils savent bien qu’une as semblée sérieuse n’interviendra jamais par des sub ventions dans les rapports naturels du capital et du travail, surtout quand il s’agit d’une grève où les patrons ont accédé purement et simplement aux demandes des ouvriers; ces derniers persistent, il est vrai, en partie du moins, à ne pas rentrer dans les puits; mais cette attitude incroyable ne peut s’expliquer que par l’action d’agitateurs politiques dont jamais le cynisme n’a été plus apparent et plus scandaleux. Et c’est à leur suite que les si gnataires de la proposition espèrent entraîner la Chambre? Comptent-iis aussi faire voter par la majorité une amnistie pour des faits qui n’ont même pas fini de se dérouler et qui ne serait qu’un encourage ment officiel à en commettre d’autres? Donner d’un côté de l’argent aux entrepreneurs de grève, et leur assurer de l'autre une impunité absolue, ce serait un beau début pour une Chambre élue au nom de la paix, de la conciliation et des affaires ! II est vrai que M. Millerand et ses amis ne se préoccupent guère de réunir une majorité; il leur suffit de se livrer à une manifestation individuelle. Il est fâcheux qu’elle ait été condamnée d’avance par M. Millerand lui-même, car nous n’en voyons pas à laquelle puissent plus justement s’appliquer les épithètes do platonique, inutile, dangereuse, difficile à faire accepter par le parti républicain tout entier; et nous ne voyons pas non plus à quels députés mieux qu'aux auteurs de la motion pour raient convenir le qualificatif d'agents de division que l’orateur de l’extrême gauche repoussait, la veille, comme une sorte de flétrissure. — 1 ■ ■ ■ La Justice nous pose une question ; « Est-ce sérieusement, nous demande-t-elle, qu’on nous convie aujourd’hui à l’examen des questions financières ? Il faut le dire. » Est-ce sérieuse ment, répondrons-nous, qu’on nous adresse une telle question? De l’examen que nous avons fait, hier, du programme économique et financier du gouvernement, la Justice n’a re tenu qu’une chose : l’indication d’une situa tion budgétaire qui commande de grands mé nagements. Nous sommes heureux que son attention ait été appelée sur ce point, et nous nous plaisons à croire que ce n’aura pas été en pure perte; mais nous ne nous étions pas bor nés, ce nous semble, à rappeler que les dégrè vements annoncés détruiraient l’équilibre du budget si l’Etat ne faisait pas appel à de nou velles ressources; nous ajoutions qu’il n’est pas impossible d’en trouver. Prenant une à une les mesures projetées, c’est-à-dire le dégrèvement de l’agriculture, la suppression de l’exercice des débitants, la dé duction du passif dans le calcul des droits de successions, nous ■ montrions qu’on pourrait obtenir l'équivalent des recettes qu’il s’agit d’abandonner ; nous constations, en outre, qu’on aurait le choix entre divers procédés ; nous en énumérions plusieurs, et nous faisions remarquer que, même en s’enfermant dans le cadre des réformes fiscales, la Chambre aurait une tâche considérable. Sincèrement, est-ce là le langage d’un adversaire des réformes finan cières? Que la Justice laisse donc une bonne fois de côté ce thème. Autant qu’elle, certainement, nous sommes en toutes choses partisans du progrès. Peut-être en mesurons-nous mieux qu’elle les difficultés; mais c’est encore le ser vir. Préciser les conditions d’une réforme ce n’est pas la combattre ; c’est, au contraire, hâter l’heure où elle sera accomplie. Telle est notre conviction profonde. La Justice a donné pour titre à son article : « Ce qui nous divise ». Ce que nous poursuivons, en ce qui nous con cerne, c’est une politique de réformes qui puisse rallier tous les républicains et, di sons mieux, tous les Français dans la Répu blique....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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