Extrait du journal
chose, c’est qu’il ait dès ce temps-là trouvé tant de bons juges, qui, se dé pouillant des préventions du moment, raient tout de suite classé à son rang, au rang des chefs-d’œuvre, qui aient du premier coup senti l’immortelle beauté de ce style, et la profondeur d’observations de ces caractères. C’est un de mes souvenirs les plus lointains et les plus présents : je n’avais guère que quinze ou seize ans quand le sens de la tragédie me fut révélé par une représentation de Britannicus. Mlle Georges jouait à l’Qdéon, pour je ne sais quel bénéfice, le rôle d’Agrippine. Le hasard fit que je pub y aller. Je ne me rappelle qu’une scène, mais la mémoire en est encore si vive chez moi, que je revois les acteurs, leur place au théâtre, et que j’ai le son de leur voix dans l’oreille. C’était au quatrième acte, à la grande scène entre Néron et sa mère. Je la savais par cœur, comme tous les bons écoliers. Asseyez-vous, Néron, et prenez votre place. Et toujours en récitant ces vers, je m’étais représenté une femme majes tueuse dictant d’un ton lent et digne, avec une grande ouverture de bouche, l’ordre de s’asseoir et d’écouter. Voilà que tout à coup Mlle Georges, abaissant rapidement le doigt vers le fauteuil, d’un ton bref, sec, impérieux, comme si elle eût parlé à un subalterne, di sait : Asseyez-vous, Néron, et prenez votre placé. Ce pauvre Néron! il était du coup si bien rapetissé, si parfaitement aplati, que je regardai d’instinct s’il ‘oserait s’asseoir, s’il ne se fourrerait pas sous le fauteuil qu’on lui marquait, pour évi ter le regard et les explications de cette terrible mère. Elle commença, cette explication! Les mots tombaient drus, nets, âpres... et simples!.mais simples! j’étais confondu; et en même temps émerveillé ! Je ne sais si vous vous rappelez en votre enfanee avoir reçu, de quelque événe ment inattendu, une secousse intellec tuelle et morale, qui ait changé du tout au tout le cours de vos idées et renou velé votre âme. Pour moi, ce fut un...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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