Extrait du journal
Au directeur du Temps La cherté des procès, la rapacité des auxiliai res de justice, les incidents et les délais infinis qui font obstacle à la solution du plus simple litige, forment l’objet de plaintes quotidiennes. Tandis que tout change et progresse, tandis que de nouvelles conditions économiques modi fient l’allure et le courant des disputes humai nes, le pouvoir qui tranche ces querelles procède avec des formes immuables et surannées. On est surpris de constater que nos lois et nos pratiques de procédure n’ont pas fait un pas en avant depuis Colbert ; c’est, en effet, l’or donnance de 1667 qui règle encore la marche des plaideurs dans un labyrinthe d'actes inuti les, surchargés de mots très obscurs ! Les magistrats, il est vrai, n’achètent plus à beaux deniers les charges de judicature, et la vénalité du juge est,un mal inconnu dans ce pays ; mais, en revanche, les magistrats sonttrop nombreux, mal rétribués, enclins à l’indolence et médiocrement recrutés. Puis, sous mille noms divers, le procureur d’antan, aussi cupide et moins bridé, règne en maître au palais. La vénalité des offices ministériels, rétablie par une erreur funeste de la Restauration, est devenue un mal effroyable, une sorte de cancer qui ronge et dissout nos institutions judiciaires. A mesure que le plaideur s’appauvrit, succombe sous le poids des impôts, des frais et honorai res, les charges augmentent de valeur, les titu laires s’enrichissent, cèdent leurs études à des prix exorbitants sous le contrôle illusoire de la chancellerie, et par là rendent de plus en plus difficile la suppression de la vénalité. Les notaires sont trop souvent devenus des banquiers ayant malheureusement accumulé les ruines autour d’eux. A Paris, le notariat est honorable, mais le notaire parisien est trop sou vent le seigneur d’un fief qu’il n’administre pas; c’est un clubman élégant secondé par un maî tre-clerc. Il devient riche par le jeu naturel des exactions légales. Il y a des avoués qui se rient des taxes et exi gent du client intimidé d’énormes honoraires. Si le client refuse l’honoraire après avoir payé les frais, l’avoué lui déclare qu’il n’aura pas ses pièces, son jugement, son titre, avant d’avoir payé. Et si quelque plaideur exaspéré se plaint aux magistrats, ceux-ci lui donnent tort, parce que le « droit de rétention », que rien ne justifie, qui n’est écrit nulle part, est « passé dans l’u sage ». L’agréé, mal récent, surpasse en exigence les officiers ministériels ; il est parvenu à rendre les procès commerciaux plus coûteux, plus lents et plus semés de pièges que les procès ci vils. Les deux greffes du tribunal civil et du tribu nal de commerce valent à Paris deux millions au bas mot. Chacun de ces offices rapporte par an à l’heureux titulaire 150,000 francs, sans compter un traitement fixe. Bref, du haut en bas de l’échelle, on voit une nuée d’intermédiaires avides se livrer en toute sécurité à la succion méthodique du justicia ble....
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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