Extrait du journal

réponse, Godoï se contenta-t-il de lui dire : —Explique-toi, docteur. Queme conseilles-tu? — D’abord, du calme... Promets ce qu’on te demande. — Mais les Espagnols me lapideront. — Ils l’eussent déjà fait, si tu n’étais plus fort qu’eux. Ils ne le feront pas tant que tu seras fort et l’appui de Napoléon en ce moment con stitue la moitié de ta force. Promets donc tout. Promettre coûte peu. Il sera toujours temps de ne pas tenir lorsque viendra l’heure de t’exécu ter. Ce qui importe, c’est de ne rien ajouter à nos difficultés, à nos embarras, avant que le' prince des Asturies ait mordu la poussière, Quand inséra par terre, quand son père l’aura dépossédé dp ses droits à la couronne, quand, en un mot, tu n’auras plus à le redouter, alors libre de ce côté, ton pouvoir consolidé, tu pour ras aviser à nous délivrer de la tyrannie que prétend exercer sur nous Napoléon. Jusque-là, ne songe qu’à te rendre celui-ci favorable. Evite de t’aliéner son amitié. Calcule un peu tout ce qu’elle t’a valu dans le passé. Pèse ce que tu as le droit d’en espérer dans l’avenir. Si tu offensais l’empereur par un refus, s’il t’aban donnait, c’en serait fait de nous, Manuel. — J’ai déjà entendu ce langage, objecta Go doï. Sous d’autres formes, c’est celui que me te nait là, tout à l’heure, son ambasseur. — Ce langage est le seul raisonnable et sage aujourd’hui. Godoï se décida tout à coup. — Allons, s’écria-t-il en se levant, Napoléon aura ses seize mille hommes 1 — Je ne t’ai pas dit que tu devais les donner, fit Juan Morera; je t’ai dit que tu devais les promettre. — Oh! quand je les aurai promis, il faudra bien les lui donner, sans compter que, si je me brouillais avec l’empereur, c’en serait fait de mes rêves de principauté en Portugal. — Il est certain que puisque tu veux un royaume, c’est bien le moins que tu aides Napo léon à te le conquérir. Et après une pause, don Juan ajouta: — Si tu deviens prince régnant, que me/lonneras-tu ? — Comme toujours, ce dont tu auras envie. T’ai-je jamais rien refusé? Si tu n’es pas noble, duc, grand d’Espagne, c’est que tu n’as pas voulu l’être. — J’aurais ameuté contre moi la tourbe im monde des envieux, contre moi et contre toi. Et.puis, je ne tiens qu’à l’argent....