Extrait du journal
due; quoique ayant deux ans de moins qu’elle, j’étais déjà grand et fort et l’idée de me cons tituer son chevalier s’empara de moi forte ment. Un voile de poésie, une atmosphère de lé gendes barbares enveloppaient la demeure des Corbu; je me mis à tisser mille rêves; tout me sembla romantique chez mes voisins : le puits primitif, la meule romaine que faisait tourner un petit âne, la vieille servante assise sous un petit hangar tamisant la farine, le vieux Corbu pareil à un patriarche de jadis, grand, droit,, imposant autant que jamais... Au-dessus du porche et tout le long du côté de la maison que je voyais de ma fenêtre courait une sorte de véranda, couverte d’un toit en- tuiles, gros sière imitation du calcidium de l’antiquité. Là se tenait souvent Columba, cousant ou brodant, un petit, agneau couché à ses pieds, un plant de basilic dans un vase de liège posé à côté d’elle. Quand les faucons passant au-dessus de la cour faisaient entendre leurs cris d’amour ou de rapine, elle relevait la tête, et je la trou vais belle ainsi : ces grands yeux noirs aux paupières bistrées, cette grâce simple, ce mince visage ardent et délicat évoquaient à mes yeux des visions de la Bible, ramenaient sur mes lèvres les versets du Cantique des can tiques. De cette extase, la voix de Banna retentis sant dans la cour venait fréquemment me tirer. • Libre et souple dans sa démarche, elle tra versait la cour, accrochait aux longs pieux fichés dans le mur une selle ou une ,besace, grondait la vieille servante qui lui répondait avec impertinence, s’attardait. au puits, et le vant la tête comme par hasard, elle m’adres sait un salut et un sourire. Ces sourires ambigus, tantôt narquois, tan tôt pleins d’amitié, et même on aurait dit de tendresse, me causaient du malaise. Elle m’en voyait souvent des fruits, des gâteaux, de la viande. La vieille, pieds nus, le visage noiraud, les jupes courtes et le bonnet long, arrivait à pas silencieux, tenant une assiette sous son tablier. Elle le soulevait lentement, d’un air mystérieux : . — Pour le beau Jorgeddu! C’est Banna, ma maîtresse, qui l’envoie. Ma belle-mère, dissimulant sa satisfaction, prenait l’assiette, la vidait avec dignité.^ — Quand donc se marie-t-elle ta maîtresse? — Bientôt, ma chère âme. Rien ne presse. 7— Qu’est-ce qu’elle attend? La seconde den tition de son fiancé? ... — Pourquoi pas? Les riches ont toujours sept .ans même quand ils en ont septante. — Ecoute, disait ma belle-mère, après'que la petite vieille s’était éloignée, l’assiette vide sous son tablier; si Banna n’était pas promise,...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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