Extrait du journal

i — Vous l’avez bien connue, vous, la Guide? — Si je l’ai connue ! ma petite, comme ma propre sœur, répondit la femme ainsi inter pellée en posant son battoir ; mais nous avons toujours été ensemble; d’abord à la lingerie, puis au humage. C’est là qu’elle fit, pour son malheur, la pauvre ! la connaissance du jeune homme. Tous les battoirs s’étaient arrêtés avec celui de la Guide. On n’entendait plus que la voix du torrent qui luttait contre les grosses pierres de son lit et le clapotage du linge secoué dans l’eau claire ; et les huit jeunes filles, agenouillées sur chaque bord dans les gaines de bois qui préser vaient hüurs genoux du contact de l’eau froide, tout en savonnant, tordant ou éclaircissant le linge, fixaient des yeux brillants sur la Guide, pour ne pas perdre jusqu’au geste de ses confi dences. Vingt fois elles avaient entendu raconter cette histoire. Mais elles ne s’en lassaient point, et pas une jeune fille du village n’aurait lâché l’occasion de faire parler la Guide. . Il y avait bien dix-huit ans déjà que la chose s’était passée dans cette petite vallée d’A..., non loin de la belle et fameuse station thermale de Luchon. Mais au village, et dans ces coins perdus de montagne, le souvenir vit longtemps de ce qui a rompu avec éclat la monotonie des jours. Et puis, dans ce midi des Pyrénées où le ciel est si doux, où l’air est si clément, per sonne ne vit chez soi. La journée se passe aux champs ou dans la rue. Les femmes s’installent sur le pas des portes, raccommodant leurs hommes, tricotant des bas pour l'hiver ou pour ReDroduction interdite....