Extrait du journal
après les poussières du jour. La lune se leva derrière les montagnes, et peu à peu, entre deux collines prochaines, boisées du haut en bas, se dessina, faible et doux comme une ap parition fantastique, le profil argenté de la no ble montagne. . Presque indistinct d’abord, et puis de plus en plus réel, avec ses inégalités sombres qui étaient des gouffres et des saillies lumineu ses qui étaient des glaciers, la Jungfrau s’é claira à mesure que le ciel devenait plus noir, et sa merveilleuse beauté se fixa enfin, comme une chose immuable, éternelle. — O nature! murmura Nikanor en tendant les bras à la vision qui semblait tout proche, nature admirable, jeune, immortelle, tu es vraie, tu es toi, tu ne peux tromper... Immor telle, non, tu dois mourir; jeune, hélas! si vieille ! La ruine d’un monde disparu, froide, menteuse, faite d’apparences, comme l’homme lui-même... Tout ri’est-il donc que mensonge sur la terre? Sans que sa foi chancelât, une voix secrète lui réchauffa le cœur. — Qu'importe que ta beauté soit une appa rence, dit-il à la vierge immaculée des monta gnes ; qu’importe que l’homme ait foulé les sommets et que ton nom soit vain, et vaine la lumière qui t’enveloppe si doucement, et qu’im porte que tu sois vieille, fragile, perfide, pleine de pièges et de dangers, tu es belle, et je t’ad mire ! Et je t’aime de me donner cette joie de voir, de sentir et d’aimer ta beauté 1 Ses bras tendus tombèrent sur la rampe du balcon, pendant qu’à demi agenouillé il res tait en extase. Pour la première fois la beauté des choses, leur beauté intellectuelle autant que matérielle, venait de pénétrer son âme. Il avait cru aimer Agathe pour son charme et pour ses vertus ; de quelque façon qu’il l’eût aimée cet amour n’a vait point pénétré au delà de ses sens. Une au tre beauté venait de lui apparaître, celle de ce qu’on ne peut ni toucher, ni respirer, vers la quelle on aspire éternellement, et de qui le désir impérissable est une des formes les plus nobles de l’espi'it humain. Il resta là, sans souci des heures, absorbé dans une contemplation tendre et pleine de pé ripéties intimes. Le ciel pâlit, la montagne s’effaça, devint grise et terne; il ressentit alors du chagrin, comme si on lui avait ôté quelque chose, et se leva pour ne plus voir cet objet dé couronné. Mais comme il se retournait pour la regarder une fois encore, avec le regret de ce lui qui a perdu son rêye, il la vit se colorer d’un J...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
En savoir plus Données de classification - de vogüé
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