Extrait du journal
• La guerre présente, qui aura vu tant d’horreurs, aura connu, par contre, toutes les formes do la pitié publique et privée. En est-il une à la fois plus, nouvelle, plus délicate et plus- efficiente que celle, née aux Etats-Unis, qui consiste à ériger une ville de là-bas marraine d’une de nos, cités françaises dévastées ou souillées par le plus im placable des ennemis? Hier, c’était une ville im portante de l’Ohio qui revendiquait le « marrai nage » d’une de nos plus grandes agglomérations du nord, demain ce sera telle petite ville du fond de l’Amérique qui entendra venir au secours de tel do nos humbles villages picards ou champenois crevé par les obus. D’un continent à l’autre s’éta blit ainsi une. manière de correspondance senti mentale entre deux groupes d’hommes qui ne se sont jamais vus, qui ne se verront peut-être jamais et qui se sentent, cependant, rivés l’un à l’autre par une fraternité indissoluble. Une manifestation de cette sorte va plus loin, quand on y réfléchit, qu’un simple geste d’affec tueux encouragement fait dans la mêlée entre deux combattants qui ne se connaissent pas, mais sont animés du même désir de vaincre. On peut dire qu’il y là quelque chose d’entièrement nou veau dans les rapports humains. Lo sentiment de solidarité, entre deux êtres, collectifs séparés par une distance énorme, très, éloignés, en outre, par la langue, par les moeurs, par .les idées, constitue un phénomène peut-être sans précédent dans l’his toire des hommes, , et ce sera l’honneur éternel du peuple américain de l’avoir exprimé un dès pre miers. L’antiquité; qui, si‘elle n’a,.‘pas connu la soli darité,' a du moins su ce qu’était la justice et a su fort bien en discourir, eût-elle été capable d’un tel geste de protection et de réparation? C’est peu probable. La civilisation chrétienne primitive; elle, eût pu l'esquisser, mais mue surtout par un simple souci de charité dans un commun amour de Dieu. Le geste américain, au contraire, n’a tant de prix que parce qu’il n’est entaché d’aucune considération étrangère à lui-même. Il est vrai ment neuf en ceci qu’il s’adresse à des êtres in connus, à-une petite ville, à un agrégat humain qui n’a peut-être jamais rien représenté pour ceux qui sont émus fiar sa détresse, avant cette détresse même. Et ceux-là s’offrent pourtant spon tanément pour la soutenir dans son calvaire. Par là, on sait qu’il diffère déjà beaucoup du bel élan de charité qui nous emporte souvent lors que. des catastrophes viennent ‘frapper certains lieux que nous avons aimés, certains paysages où nous avons connu le bonheur, et dont nous gar dons le souvenir reconnaissant. Quoi que nous fassions, dans* des cas de cette sorte, c’est un pou ■par une sorte de mansuétude envers nous-mêmes, de pitié reconnaissante noue nos nronres souve-...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
En savoir plus Données de classification - malvy
- lloyd george
- bissolati
- bollati
- jean de
- mameli
- goldenberg
- olay
- verdan
- gerny
- russie
- allemagne
- verdun
- roumanie
- berlin
- petrograd
- beaumont
- france
- la meuse
- moscou
- société générale
- reichstag
- parlement
- cologne
- wilson
- union
- armée russe
- aes