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Le Temps, 29 octobre 1886

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Le Temps
29 octobre 1886


Extrait du journal

Les impôts indirects sont les impôts des peu ples mineurs ; les impôts directs, ceux des peuples majeurs. Le rapporteur veut bien concéder « qu’il nous est impossible, d’ici à longtemps, de supprimer tous nos impôts indirects ». C’est cela qui ferait un trou dans le budget ! On ne les supprimera donc pas tous immédiatement ; mais « nous avons le devoir de nous demander si, comme com pensation à ces impôts indirects qui pèsent surtout sur les plus pauvres, il n’y a pas nécessité de les réduire et d’augmenter la part des contributions directes dans nos budgets. » N’alléguez pas la dureté des temps, le danger de se livrer à des expériences fis cales alors que l’équilibre du budget est plus qu’instable, la nécessité d’attendre des jours meilleurs pour renoncer à des revenus cer tains, enfin la possibilité d’opérer des réfor mes à l’aide des plus-values produites, à la première embellie, par les contributions in directes elles-mêmes. M. Yves Guyot s’écrie fièrement « que les grandes réformes fisca les ne se font pas dans les moments de calme et de prospérité, mais dans les moments de crise ». C’est une opinion, en somme, et, ce qui est l’essentiel, tout cela se tient, est lo gique, conforme à ce qu’on pouvait attendre de la commission du budget. Il faut une large réforme; il la faut par l’impôt direct : acceptez donc l’impôt direct sur le revenu... Jusqu’à la page 19, tout va bien. M. Goudchaux, le ministre des finances de 1848, est tancé d’importance pour avoir, sous prétexte d’impôt sur le revenu mobilier, présenté un projet de loi où étaient méconnus les vrais principes. Que ne pouvons-nous citer toute cette page? « Dans la pensée de l’auteur du projet de loi, dit M. Yves Guyot, il s’agit uniquement de frapper une certaine catégo rie de revenus, et non pas d’établir une taxe unique sur le revenu.. Le chiffre .de l’impôt qu’il réclame est de 60 millions. S’il se fût agi d’un essai réel d’impôt unique, il eût dit : Nous allons limiter à 60 millions cet essai, mais nous décrétons un impôt uni que sur le revenu de tous les citoyens, sans exception. F Alors, dans ces conditions, il y eût eu un essai d’un impôt unique. Mais en devait-il être ainsi ? » Et le rapporteur ajoute : « Loin de là, on fait de l’impôt sur le revenu un impôt de répartition. Or, l’impôt sur le revenu ne peut être qu’un impôt de quotité : un tel jouit de tel revenu, il doit payer tant sur son revenu. Il n’y a pas une autre manière d’établir un impôt unique sur le revenu. » Voilà la saine doctrine. Et combien nette, précise, tranchante! M. Yves Guyot coupe dans le vif. Si la France doit subir l’opération de l’impôt sur le revenu, au moins on la lui décrit sans ambages. On sent déjà le froid du couteau. -Enfin, dans ce même passage si décisif, M. Yves Guyot dit encore, portant le dernier coup au système de M. Goudchaux : « Dans ce système, l’impôt sur les revenus mobi liers double tout simplement les contribu tions personnelle et mobilière, et la contribu tion des portes et fenêtres. Ce n’est donc pas un impôt nouveau. C’est, sous un autre nom, une augmentation d’impôts sur les revenus déjà existants. L’étiquette est changée. Le fond reste le même. » Il serait impossible d’exprimer une critique plus judicieuse con tre les impôts sur le revenu superposés à d’anciens impôts. Cette surcharge sera tou jours une aggravation, mais elle ne sera ja mais une réforme. La pensée de la commis sion du budget, interprétée d’après ces dé clarations, serait donc de recourir à un im pôt direct sur le revenu, atteignant cette fois les personnes, allant droit au contribuable, lui demandant compte de son travail, de sa fortune, de ses* habitudes, de sa liberté. Ce serait une innovation, certes! Mais ne seraitce pas le contraire d’une réforme? Nous nous posions cette question, et peut-être allions-nous prendre la' peine d’y répondre, lorsque, tournant la page, nous arrivons à ce chapitre : l'Impôt sur le revenu en 1871 et 1872, et à cet autre: le Système fiscal de la Révolution. Non, jamais M. Yves Guyot ne saura dans quelle stupéfaction nous plongea alors la lecture de son rapport. Nous avions peine à en croire nos yeux. Nous regar dions son travail, nous nous re portions à l’exposé du début, nous pensions à la commission du budget et aux conclu sions formulées par M. Wilson, et nous ne savions plus vraiment que penser. Ecoutons, en effet, le rapporteur — c’est M. Yves Guyot que nous voulons dire, non point M. Wilson...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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