Extrait du journal

Berlin, 29 mai, 8 heures. Voici une nouvelle version sur l'origine du pro jet de voyagede Guillaume II et du roi d’Italie' à ; Strasbourg, que je vous communique après tant d’autres à titre de curiosité : Jeudi dernier, l’empereur et le roi prirent part à un déjeuner que leur offraient les officiers de la garde. Parmi les convives se trouvait un aide de camp du général Lewinski, gouverneur militaire de Strasbourg, qui était venu à Berlin pour affaire de service. Comme il appartenait à une famille de la plus haute aristocratie, il avait été placé, pendant le.repas, en face de l’empereur. Celui-ci lui posa plusieurs questions sur la garnison de Strasbourg, qu’il comptait visiter prochainement; puis, se tour nant vers le roi Humbert, il lui dit : « Voici des troupes que je voudrais vous montrer. Cette garni son de Strasbourg est ce que nous avons de mieux. Si vous vouliez, nous irions la voir ensemble. » Le roi d’Italie fit un signe d’acquiescement, mais n’attacha aucune importance à ce propos de tabl*. Il n’en fut pas de même de l’aide de camp, qui, re venu le lendemain à Strasbourg, fit part à ses chefs de la visite prochaine des souverains comme d’une chose décidée. La Gazette de Cologne fut également informée de ce qui s’était passé au déjeuner et an nonça le voyage dans une dépêche. M. Crispi recevait immédiatement après une dé pêche du général Menabrea, ambassadeur d’Italie à Paris, constatant l’émotion causée à Paris par cette visite. M. Crispi, très perplexe, courut chez le roi pour lui demander si réellement il s’était engagé à passer par Strasbourg. Le roi, très surpris, répondit qu’il suivrait le même itinéraire qu’à l’arrivée et qu’il n’avait jamais eu l'intention de le changer. Il semblait même ne plus se souvenir de la conversa tion au mess du régiment de la garde. M. Crispi, se rappelant les conseils de M. de Bismarck sur l’at titude prudente quïl devait prendre vis-à-vis de la France, dans son propre intérêt et pour se maintenir " au pouvoir, se rendit chez le chancelier et lui fit part de ce qui se passait. M. de Bismarck alla aus sitôt trouver l’empereur, qui avait déjà donné l’or dre de faire envoyer par un train spécial ses che vaux et ses voitures à Strasbourg, et le décida à renoncer à son voyage en Alsace. Berlin, 29 mai, 8 h. 25. , Il n’est nullement question du rappel du comte Launay, ambassadeur d’Italie à Berlin, comme quelques journaux l’ont prétendu. La Gazette de Co logne consacre aujourd'hui à ce diplomate un long article, dans lequel elle rappelle que, depuis près de quarante ans, il représente le Piémont et l’Italie à la cour de Berlin, et qu'il a toujours été un fidèle ami de la famille des Hohenzollern. Berlin, 29 mai, 8 h. 45. On parle d’un voyage de l’empereur à Mayence, où. il passerait, avec le grand-duc de Hesse, la revue des troupes. On dit aussi que l’empereur visitera tous les districts miniers de la Westphalie où la grève a éclaté. M. de Bismarck va se rendre vers la fin de la se maine à Friedrichsruhe. Berlin, 29 mai, 11 h. 50. La conférence de Samoa aura encore plusieurs séances. Les délégués américains attendent des instructions écrites de Washington. Rome, 29 mai, 10 h. M. Crispi est rentré à Rome hier soir, à onze heu res. Il a été reçu à la gare par tous les ministres et par un grand nombre de députés et de généraux. Aujourd’hui sera tenu un conseil pour mettre M. Crispi au courant des travaux parlementaires et pour s’entendre sur la réponse à donner à l’interpella tion de l’extrême gauche sur les mesures économi ques que le gouvernement compte prendre en vue de la crise agraire en Lombardie. Le roi rentrera vendredi ; dimanche, il assistera !...