Extrait du journal

eu, bien sûr, vingt francs d’économie devant lui, s’est mis à crier avec le lieutenant qu’il était ruiné, que le notaire avait emporté son pain et celui de ses enfants 1 Bref,que te dirai-je ? le courant a tourné, et tous les déposants, ne pensant plus. qu'à leur argent, voulaient forcer . la caisse de l’étude et piller la maison. Ils allaient entrer malgré Cortot qui mettait les volets à la porte vitrée, quand le juge de paix, que l’autre clerc était allé avertir, est'arrivé avec deux gendarmes. Un calme s’est fait subitement ; il n’y avait plus que le lieutenant à crier, mais on sait de reste que ces sortes de gens ^ne respectent rien ! Les autres se sont écartés; le juge de paix a fait placer les gendarmes à la porte avec défense de laisser entrer qui que ce soit. Lui-même est monté sur le perron, et il a parlé comme il con venait. Il a dit d’abord qu’il représentait la loi et que tant qu’il serait vivant rien ne se passe rait que selon la loi ; qu’il ne comprenait pas ces inquiétudes soudaines que rien ne pouvait enco re justifier; que la position de M. Hennibelle lui était connue, et qu’il était prématuré de prendre ■ sa disparitibn pour une fuite ; et comme le lieu tenant l’interrogeait, il lui a dit tout tranquille ment « que s’il ne voulait pas se taire, il le considérerait comme l’auteur du désordre qui pourrait se produire et qu’il lui en ferait porter les conséquences ». Puis il a ajouté qu’il avait mandé M. le procureur de la République par dépêche, qu’il ne tarderait pas' à arriver, qu’en l’attendant, les gendarmes allaient'garder l’étude et les papiers, et que rien ne serait touché avant que M. le procureur fût présent. ■ .. On sentait bien qu’il avait raison ; aussi les manifestants se tinrent tranquilles, et beaucoup rentrèrent chez eux. Mais la nouvelle s’était ré pandue dans les campagnés avec une inconce vable rapidité, et de tous les côtés on voyait arriver des paysans qui n’avaient pas môme pris le temps de remplacer leurs vêtements de travail. Ils avaient des figures décomposées, croyant à tout jamais perdre leurs pauvres éco nomies, fruits de tant de peines et de tant de privations, tandis que leurs femmes qui les ac compagnaient sanglotaient dans leur mouchoir! Je t’assure que c’était un triste spectacle et, quelque sûre que je fusse de l’innocence do ton ami, j’étais moi-même bien émue. Que veuxtu ! toutes les suppositions sont permises, et si je me sentais forte contre les défaillances, je comprenais celles des autres. Le juge de paix était admirable,il avait réponse à tout, et s’il ne parvenait-pas à rassurer les gens, au moins leur imposait-il, et le lieutenant ayant fini par...