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Le Temps, 30 novembre 1906

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Le Temps
30 novembre 1906


Extrait du journal

raison demeurait pour , ainsi dire bouche bée. Il fit les cent pas dans son jardin, entra dans la maison, en sortit, refit les cent pas, rentra, s’habilla pour le dîner,s’assit sur son bane rustitique, fuma cigarette sur cigarette. Aurait-il dû parler? Parlerait-il demain? Parfois, une accalmie survenait dans cette tourmente, un intervalle de repos, d’apparente lucidité, où la réponse semblait évidente. « Assurément, tu dois parler. Parle... et tout ira bien. Ne s’est-elle pas mise à la place de cette femme supposée et n'a-t-elle pas dit : « Il au» rait dû parler »? Elle a dit cela, avec conviction, véhémence. Ce qui signifie que si elle était cette femme, elle voudrait qu’on lui dît tout. Elle méprise les barrières mondaines, elle sera tou chée, elle sera émue. « Aucune femme n’est à » l’épreuve d’un pareil compliment. » Cours lui parler demain... et tout ira bien. » r Là-dessus, il levait les yeux sur le château et se représentait les événements présumables du lendemain ; et son cœur en faisait un bond. Son imagination volait sur les ailes de son désir. La duchesse lui apparaissait dans tout l’éclat de sa beauté, tendre, forte et rayonnante. Et tandis: qu'elle l’écoutait, il voyait ses yeux luire, s’en flammer; elle pâlissait et rougissait; elle entr’ouvrait les lèvres. Puis elle murmurait quel que chose, et son cœur, à Iui> faisait des bonds fous; il l’appelait par son nom : « Béatrice ! Béatrice ! » Ce nom exprimait tout l'inexpri mable, la passion fervente, le désir illimité et le triomphe absolu de son âme I Et voici qu’elle s’approchait de lui..., qu’elle lui tendait les mains. II la pressait dans ses bras, il tenait dans ses bras son corps qui s’abandonnait. Et son cœur à lui faisait des bonds effrayants. Et il se demandait com'ment il endurerait les heu res exécrables qui avaient à s’écouler avant que demain devînt aujourd’hui. Mais après de tels bonds, le cœur souffre. Et la ronde recommençait de plus belle, suivie d’une nouvelle accalmie qui amenait urie ré ponse également évidente. « Aller lui dire cela I Mais vous êtes fou, mon bon ami ! Elle serait tout simplement confon due, interdite de votre présomption. Je vois d’ici son incrédulité, je vois d'ici de quel mé pris elle vous écraserait. Jamais, dans ses plus lointaines prévisions, elle n’a cru admissible que vous eussiez l’audace de vous éprendre d’elle, de lever les yeux sur elle, vous qui n’êtes rien, sur elle qui est tout. Oui, rien, personne. A ses yeux, vous êtes une nullité inoffensive dont elle tolère la compagnie pa'r charité... et faute de mieux. C’est justement parce qu’elle...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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