Extrait du journal

Suivant cet historiographie, les serfs attachés à la glèbe, taillables et corvéables à merci, torturés sans miséricorde, relui fs à se nourrir de racines et d’écorces, étaient des villageois d’opéra 'comique, payant pour toute redevance à leurs seigneurs un bouquet de fleurs, un oiseau ou une chanson. Leur situation était enviable, comparée à celle des habitants de nos campagnes, si cruellement pressurés aujourd’hui, parait-il, par les receveurs (les contributions. C’est du moins M. l'abbé Courval qui le dit, en faisant une allusion délicate au droit de cuissage. Les paysans du moyen âge, dépeints par cet honorable prêtre , ressemblent assez peu, il faut le reconnaître, aux paysans du XVIIe siècle, abrutis et pour ainsi dire animalisés par la misère, dont La Bruyère nous a laissé un portrait immortel. Ils ne ressemblent pas davantage à ceux dont M. de La Kare, évêque de Nancy, disait en 1780, à l’ouverture des Etats généraux, en s’adressant à Louis XVI : « Le peuple sur lequel vous régnez est un peuple martyr, à qui la vie semble n’avoir été laissée que pour le faire souffrir plus longtemps. » Et pourtant, quelle différence entre la condition des classes inférieures au XIIe siècle et au XVIIIe. On ne saurait nier que dans cet intervalle, par la force des choses et sous la pression inéluctable de la loi du progrès, les damnés du moyen âge n’aient remonté plusieurs cercles de leur enfer social....