Extrait du journal
- Excellent camarade, ce brave. Vermenton. J'avais gardé de lui un si Lou sou venir qu'à la première occasion de liberté je me réjouissais de l'aller surprendra dans la retraite champêtre qu'il avait choisie, l'original. Le village où il s'était réfugié n'avait pas l'air loin de Paris, à' vol d'oiseau, cent cinquante kilomètres environ, mais il semblait en réalité perdu au bout du monde, tant les moyens de communica tions étaient rares et peu pratiques dans cette contrée. Le train vous déposait à quelque distance d'une localité que vous supposiez voisine de son ermitage, et là vous vous orientiez au petit bonheur. A l'auberge.d'abord : — Pour me rendre à Baranjon, s'il vous plaît, quel chemin dois-je prendre ? — Dame! Baranjon ? V'ià la route, c'est tout droit... Maintenant, y aplus court: quand vous aurez passé l'église, vous tournerez sur votre droite, jusqu'au la voir, vous suivrez le champ à Mathieu, et .pis le champ à Calot, et pis tout le long des prés contre le ru... Le champ à Mathieu, le champ à Calot? Il était inutile de répondre que l'indication paraissait vague ; pourtant j'ajoutai : — Et suis-je loin de Baranton? — Peuh!... Y a p'têtre ben trois ieues tout d'même... core faut marcher. — Ce n'est pas précisément à côté. — Y a un coup de sabot pour sur... s — Est-ce que je pourrais trouver une voiture? — C'est q.ue la nôt' a sorti ce matin et la Grise a rentré boiteuse. Si vous pouviez des fois attendre à demain? — Non, impossible. Mais vous ne voyez pas quelqu'un, par ici. qui me louerait ça? • — Y a ben le maréchal, si ça lui con vient... Sur le pas de sa porte, les mains dans les poches,l'aubergiste me répondait sans hâte, avec cette lenteur des paysans qui semblent avoir devant eux l'éternité. On conçoit l'étonnement du campagnard tout frais débarqué à Paris, autour du quel courent en tous sens dès gens talon nés par la fièvre des affaires, harcelés par les exigences de leur emploi, Il se croit . tombé au milieu d'une ville d'aliénés. Ja mais avez-vous vu un cultivateur accélé rer le pas pour se rendre-à son blé, à son avoine, à ses pommes de terre? 11 n'est jamais pressé ni de commencer ni'de finir ; sa rude tâche se poursuit avec régularité et nonchalance; il peine sans relâche et sans entrain, comme ses bœufs. Après bien des paroles vaines, après un débat tatillon et énervant, je décidai le maréchal à atteler sa carriole et nous par tions enfin. A peine en route, il me fallut subir l'assaut de sa curiosité finaude : — Alors, comme ça, Monsieur va voir M. Vermenton? .— Oui... —• C'est un bien brave homme, il est bien aimé dans le pays... — Ah!... — Et on ne l'accusera pas de faire du bruit par chez nous... Il ne fréquente per sonne ; depuis deux ans, on ne l'a seule ment pas aperçu ni en ville, ni aux foires, ni aux assemblées. Faut croire que ça ne l'intéresse pas... et puis il ne tient pas à se montrer, sans doutfe. Comme le maréchal mettait à ces der niers mots une intention plus sournoise, je levai vivement les yeux vers lui. Mais au même instant il tournait la tête et s'obstinait désormais à fixer la mèche de son fouet. La route était longue ; nous roulions sur un sol crayeux, d'une blan cheur aveuglante par cet ardent soleil, etee voyage au trot d'un mauvais petit cheval court d'haleine semblait interminable. Quant à se distraire aux charmes du paysage, on n'y devait pas songer; la poussière du ciieunu et des champs soûle*...
À propos
Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
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