Extrait du journal
ries et des arbres. La nature ne lui était supportable qu'avec unchûmp de cour ses. ■ v. ' — Connais-tu rien de plus bête qu'un marronnier ! me disait-il souvent... Est-ce qu'Edgard aime la campagne, lui.?... Je m'exaltais I — Oh !• les fleurs, pourtant, dans les grandes pelouses ! Et les petits oiseaux I — Les fleurs!.,. Oh! elles sont propres les fleurs, à la campagne!... Et les petits oiseaux !... Ça vous empêche ; de dormir, le matin... Ah! non !... Ah! non !... la campagne c'est bon pour les paysans... Et se redressant, d'un geste noble, avec une voix fière, il concluait : — Moi, il me faut du sport!... Je ne suis pas un paysan, moi... Je suis un sportsman !... Moi, j'étais heureuse,et j'attendais le mois de juin avecimpatience. Ah I les mar guerites dans les prés, les petits sentiers sous les feuilles qui tremblent, les nids cachés, dans les touffes de lierre, aux flancs des vieux murs 1 Et les rossignols dans les nuits de lune, et les causeries douces, la main dans la main j sur les mar gelles des puits, garnis de chèvrefeuilles, tapissés de capillaires et de mousses... Et les jattes de lait fumant, et les grands cha peaux de paille, et les petits poussins,et les messes entendues dans les églises de villa ge, au clocher branlant, et tout cela, et tout cela qui vous émeut, qui vous prend le coeur, comme une des jolies romances qu'on chante aucafé-concertt..Je suis une nature poétique, quoique j'»ime à rigoler. Les vieux bergers, les foins qu'on passe, les oiseaux qui se poursuivent de branche en branche, les coucous dont on fait des pelotes jaunes, et les ruisseaux qui chan tent sur les cailloux blonds... et les beaux gars, au teint pourpré par le soleil, comme les raisins des très anciennes vignes, les beaux gars aux membres robustes, aux poitrines puissantes !... tout cela me fait rêver, des rêves gentils. Eh pensant à ces choses, je redeviens presque petite fille, avec des innocences et des candeurs, qui inondent l'àme, qui me rafraîchissent, comme une petite pluie, la petite fleur trop brûlée par le soleil, trop desséchée par le vent!... Et le soir, eu attendant William, dans mon lit, exaltée par tout cet avenir de joies pures, je faisais des vers : Petite fleur, O toi, ma sœur, Dont la senteur Fait mon bonheur. Et toi, ruisseau, Lointain coteau Frôle arbrisseau Au bord de l'eau. Que puis-je dire Dans mon délire? Je vous admire Et je soupire. Sitôt William rentré, la poésie s'envo lait. Il m'apportait l'odeur de gin du bar, et ses baisers qui sentaient le whisky et le cigare coupaient vite les ailes à mon rêve. Je n'ai jamais voulu lui montrer mes vers, à quoi bon ! Il se fût moqué de moi sans doute, et n'eût rien compris au sentiment qui me les dictait. Ma nature poétique n'était pas la seule cause de l'impatience où j'étais de partir pour la campagne. J'avais l'estomac dé traqué par la longue misère que je venais de traverser, et peut-être aussi par la nourriture trop abondante, trop excitante de maintenant,par le champagneetles vins d'Espagne, que William me forçait à boire. Je souffrais réellement, souvent, des ver tiges me prenaient, au sortir du lit, le matin. Et, dans là journée, mes jambes se brisaient, je ressentais dans làtête des dou leurs comme des coups de marteau. J'a vais réellement, dans une existence plus calme, besoin de me remettre. Hélas! il était dit que tout ce rêve de bonheur et 4e santé allait encore s'é crouler! Ah ! M... !... comme dirait Madame. OCTAVE MIRBEAU. — :—: —^ " ; ■ ....
À propos
Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
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