Extrait du journal

Les jours grandissent, et ces rallonges quotidiennes de la lumière du soleil nous font supporter plus aisément, pres que avec le sourire, les tempêtes, les bourrasques, les pluies, les crues des ri vières, parce qu'elles nous annoncent le printemps prochain. Mais il est une localité où l'on se ré jouit particulièrement de la croissance des jours, car elle est privée de toute espèce d'éclairage. Vous .vous demandez peut-être où elle se trouve, et vous la pensez perdue dans quelque région montagneuse, isolée de tout centre vivant et d'accès difficile ? Détrompez-vous. C'est un petit villa ge, ou" plutôt un hameau qui se trouve à 30 kilomèlres de Paris. Les habitants n'ont, en effet, ni gaz, ni électricité, ni eau, ni gare, ni poste. En hiver, quand il fait nuit,dès 4 heures, on voit les mé nagères sortir, avec la lanterne pour aller chercher de l'eau à la fontaine ou du lait à la ferme. ■ Quel pays affreux, dites-vous ? Point. C'est un pays charmant, délicieux, avec une petite place ravissante, plantée- de beaux arbres, et, tout ~ autour, des jou joux de maisons, toutes prolongées d'un jardin. Il se trouve à l'orée même d'une magnifique forêt, à 4 kilomètres à peine d'une petite ville élégante, qui devient en été un rendez-vous mondain des plus brillants, et dont un illustre château, qui appartient à la grande histoire, por te le nom. Et les habitants de ca hameau peu vent vivre ainsi, dites-vous encore ? Ils vivent très bien et sont fort heureux. Et voilà, bien où il fallait en venir, à savoir que, .contrairement à ce que nous croyons, le luxe de la civilisation ne fait pas le bonheur, qu'il n'est même pas indispensable, et qu'en plein vingtième siècle, tout à côté de Paris, des vies s'é coulent heureuses, calmes et simples, dans un pays où, les soirs d'hiver, les femmes vont à la fontaine, la lanterne à la main, où le silence n'est troublé que par la clochette d'une chèvre qu'une bonne vieille ramène à la maison. 'LE FRANC-PARLEUR....