Extrait du journal

homme sensible posséda, en effet, une physiologie d.éplo'rable : un physique constamment soumis aux influences exlérieures, un moral constamment soumis à son mau vais état physique. Cet esclavage de lui-même le tourna vers luimême. Cet homme, qui n'a pas de plus grand ennemi pour son repos que son soi, s'y réfugia; et son journal, d'un prodigieux intérêt, est une longue pièce qui se joue en lui et dont il nous livre tous les tableaux. Cetle habitude lui servit bientôt d'expérience philosophique, muée à son tour en doctrine. Dès 1795, son journal nous initie aux « avantages de la connaissance.de soi-même ». Se connaître, pour Maine de Biran, c'est la voie du bonheur, parce que c'est l'indis pensable base d'une réforme. Il sait bien qui il' est et ne se ménage pas. Il le dit expressément : « Il est un certain état que j'éprouve trop souvent, où, absolument inca pable de penser, dégoûté de tout, impatienté de tout, voulant agir sans le pouvoir, la tête lourde, l'esprit jiul, je suis mortifié de la manière la plus désagréable. Je me révolte contre mon ineptie; j'essaie pourtant de m'en sortir, de m'appliquer à diverses choses, je passe d'un objet à un autre, mais tous mes efforts ne font que me rendre ma nullité plus sensible... » Cet état, il le doit à son physique, aux mauvaises dispositions de ses organes, à sa vie animale qui em poisonne sa vie spirituelle, tout en lui laissant une faculté très claire de jugement. Il était fils d'un médecin et assez physiolo giste lui-même pour dissocier ce qui dans les détresses de l'esprit lui venait du corps. Il n'avait d'abord trouvé d'atténuation à son état que dans l'e stoïcisme et se refusait à croire à l'absolue misère de l'homme : « L'homme est bas.; misérable, lorsqu'il ne cède qu'à l'impulsion des sens. Il s'élève en se mettant sous l'empire de la rai son; alors, loin d'être un objet di gne de pitié, il mérite la vénération de ses semblables. La grandeur et...