Extrait du journal
entendu, puisque c'est par la volonté de Dieu. Aussitôt le vavasseur, emmenant un de ses fils, s'en alla vers le roi. En ce temps, les gens d'humble état, artisans et paysans, faisaient volontiers de grands voyages à pied. Les routes étaient couvertes de pè lerins et de petits marchands et sans doute le bonhomme et son fils,' qui s'en allaient à la cour du roi Jean, ne causèrent pas grande surprise dans les auberges et dans les granges où ils couchaient. Et si le bon vavasseur conta en chemin, comme il est probable, qu'il avait com mandement du ciel de parler au roi, on dut se dire, en l'écoutant, qu'il n'était pas le premier dans ce cas, et qu'il ne serait pas le dernier. Par la suite, en effet, du rant plus de soixante ans, les rout.es vi rent passer sans cesse des voyants et des voyantes qui portaient des secrets, au roi ,de France. Ayant cheminé jusqu'à Ja plaine de Beauce où le roi Jean campait, avec son armée, « dans un grand désir de combattre les Anglais», le vavasseur champenois entra dans le camp et demanda ingénûment à voir le plus prud'homme qui se tînt à la cour du roi. Les seigneurs à qui cette requête fut transmise se mirent à rire. C'étaient de braves chevaliers natu rellement joyeux et qui s'amusaient de peu. Le vavasseur leur fut un grand sujet de joie. Mais l'un d'eux, qui servait à la cour, ayant vu de ses yeux ce voyageur, reconnut tout de suite que c'était un homme bon, simple et sans malice; Il lui dit : — Si tu as quelque avis à donner, va vers l'aumônier du roi. Le vavasseur alla donc vers l'aumônier du roi Jean et lui dit : — Faites que je parle au roi. J'ai telle chose à dire que je ne dirai à personne fors au roi. — Qu'est-ce? demanda l'aumônier. Di tes ce que vous savez. Mais le bon homme ne voulût pas révé ler son secret. La Voix avait dit dans le champ: « Tu parleras au roi». Aussi s'obstinait-il à ne vouloir s'expliquer, sinon devant le roi Jean. — C'est, assurait-il, pour son bien et profit. Désespérant de. rien tirer de ce bon paysan, l'aumônier alla trouver le roi Jean et lui dit : — Sire, il y a céans un prud'homme qui me semble sage à sa façon, et qui vous veut dire une chose qu'il ne dira qu'à vous. Le roi Jean refusa de le voir. Ce bon chevalier n'était curieux que de batailles. Il appela son confesseur et l'envoya en tendre pour lui, en compagnie de l'aumô nier, le pèlerin paysan. Les deux prêtres retournèrent donc au près de cet homme et lui annoncèrent qu'ils étaient commis par le roi pour l'en tendre . A cette nouvelle, désespérant de voir le roi Jean et se fiant au confesseur et à l'aumônier pour ne révéler son secret qu'au roi, le bon homme leur dit com ment la Voix lui avait parlé. Ils en firent un rapport au roi Jean qui s'en moqua bien. Il ne pensait qu'à sa bataille. Pourtant il ordonna qu'on remît une somme d'argent au vavasseur en le congé diant. Le confesseur et l'aumônier obéi rent. Mais l'homme qui avait entendu la Voix ne voulut point accepter l'argent. Ce refus surprit les deux prêtres qui se dirent l'un à-l'autre, en voyant s'éloigner le paysan :/ — Cet homme est un juste au regard de Dieu. Le roi Jean s'avança avec son host jus qu'à Poitiers où il rencontra le prince Noir. Il perdit toute son armée dans la bataille et, frappé au visage de deux blessures, fut pris par les Anglais. ANATOLE FRANCE....
À propos
Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
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