Extrait du journal

Au jour, j'ai fait le trajet. Aucuns mots sauraient rendre la poi gnante horreur du désastre. A l'endroit où ce hameau florissait, il n'y a plus rien ; rien absolument que des pans de murs noircis et croulants ! Par ci, par là, des recoins de maison flambent en core ; on entend le crépitement du feu caché ; le travail de rat du fléau. L'acre senteur vous prend à la gorge ; et une telle chaleur s'exhale des murailles que les semelles vous brûlent, que les tempes s'enfièvrent, qu'on est contraint de reculer ! Ce site était une petite oasis de verdure, : blottie contre la colline comme un nid d'oiseau — les arbres, grillés jusqu'à la moelle, dressent leur silhouetté dé charnée: pas un brin d'herbe ne reste dans l'enclos du village ; et les vignes, alentour si riches de promesses, étirent sinistrement leurs bras calcinés, veufs de pampres et de grappes. Et les récoltes,la moisson aux lourds épis, le rare fourrage, si précieux cette année, étaient rentrés depuis cinq jours! C'est la famine, c'est la fin de tout pour ies quinze ménages que voilà sans' abri, assis sur les épaves mutilées de leurs pauvres meubles, et qui, hébétés de dou leur, regardent, avec la résignation fa...