Extrait du journal

Le cœur et les yeux t La fille du yavasseur pleure à sa fenêtre : Ah 1 qu'il vaudrait mieux naître et mourir aveugle I On ne verrait pas le ciel ni les roses, mais on ne verrait point les jeunes hommes qui reviennent de la bataille avec Un air vainqueur. Hélas! C'est par les yeux que l'on perd son cœur! Comme je m'en retournais de la fon taine avec ma servante, un chevalier avec son écuyer passa sur le chetain. Je ne sais si l'écuyer s'inquiéta de ma servante, mais le chevalier s'arrêta pour me regar der à l'aise, et il me regardait d'une telle ardeur Que je crus dans ses yeux voir briller Bon cœur. H me fit signe de le suivre dans le bois. Une sainte l'aurait suivi tant il avait belle façon sur son cheval de guerre ! 11 tournait la tête pour voir si je ne tardais point f je n'avais garde 1 et vers le beau seigneur Je sentais par mes yeux s'exhaler mon cœur 1 ^ Dès que nous fûmes dans le bois (ah f qu'il descendit vite de cheval !) il me prit par la taille et me coucha dans les bruyè res. J'avais dans mes cheveux, dans mon cou, à mes lèvres, son souffle ! il me sem bla, tant je connus de douceur, Qu'en me baisant les yeux il baisait mon cœur. * A vrai dire il n'est pas honnête qu'une jeune demoiselle , se laisse ainsi coucher dans les bruyères ! du moins j'aurais dû détourner la tête, ou écarter mes lèvres, ou ne le point regarder ; mais il n'était plus temps, ô bel affronteur, De vous clore mes yeux, quand s'ouvrait mon cœur ! Maintenant, il est parti sans retour, et je me désole à la fenêtre. Le cœur que j'avais, il l'a emporté, et, avec mon cœur, ma rêverie au jardin, et ma prière à l'é glise, et mon rire aux rondes du soir, et il ne m'a, le trompeur, Laissé que les deux yeux pour pleurer mon cœur I...