Extrait du journal
(De notre envoyé spécfal) VII : Genève, juin. Le. rétablissement des zones frann ches supprimées par M. Poincaré a ; flatté agréablement l'amour-propre • national helvétiqueMais ce rétablissement a-t-il été une bonne affaire pour les Suisses ? Trois jours d'investigations à. Genève me permettent de répondre : non. Et, d'ailleurs, dès la promulgation du jugement de la Cour de La Haye, les Suisses romands avaient fort bien deviné que ce triomphe juridique al lait leur causer dans la. pratique les pires ennuis. Et c'est pourquoi l'on vit aussitôt une délégation de la Suisse romande se rendre à Berne pour de mander que ne soit pas appliquée la décision du tribunal de La Haye.;. ^ L'expérience de zones franches du re depuis cinq mois. Il est peut-être imprudent de vouloir dès à présent en juger les résultats. Cependant, • ils sont assez clairs... Les produits manufacturés suisses, étant donné leur haut prix de re vient, ne peuvent pas lutter dans les zones franches avec les produits- des autres pays d'Europe qui produisent parfois à des prix très bas. La Suisse ne peut donc servir que d'intermé diaire entre les zones et les pays étrangers. C'est un rôle qui, dans la crise actuelle, apparaît assez mince et assez peu rémunérateur. En outre, nous l'avons dit, la Suisse est obligée; de par la décision de La Haye,.d'accepter en franchise tous les produits agricoles, sans contingente ment, et, dans une certaine mesure, les produits manufacturés de la zone franche. Or, étant donné le coût de la vie en zone qui est d'un tiers inférieur au prix de la vie en France, douanière, et par conséquent inférieur de deux tiers environ au prix de la vie en Suisse, les produits importés de zone' en Suisse peuvent être vendus à des tarifs extrêmement bas. De ce fait, la production agricole suisse trouve sur son propre territoire, des concurrents imbattables venus,des zones franches. Cela est d'autant plus grave-pour- la production-^suisse que,depuis ,1914 les maraîchers genevois, par exemple, avaient fait un-très gros effort pour-ravitailler Genève et sa banlieue par leurs propres moyens,' sans avoir recours aux maraîchers savoyards qui avaient toujours été les fournisseurs attitrés de Genève. Aujourd'hui, sur les marchés, la production horticole suisse et- zonière entrent en concurrence.' Les maraîchers suisses se plaignent amè rement. Les maraîchers zoniers aussiPersonne n'est content. Du fait de la contrebande, dont nous venons de montrer l'extension, la Suisse est inondée de beurres à bon marché venus du Danemark, en pas sant par la zone. Cela tend à faire baisser les prix du beurre suisse qui est fort cher, nous l'avons dit. A leur tour, les producteurs de lait et les fabricants de beurre suisses protestent. Ils assurent que les zones franches, soit par la fraude brutale, soit par des moyens moins illégaux, leur font une concurrence ruineuse. Et je pourrais, si j'en avais la place, multiplier les exemples de ce mé contentement des Suisses, depuis le rétablissement des zones franches, qu'ils ont. si âprement réclamées... - - *"• ' '** ■ Du côté français, la gêne provoquée dans le commerce et l'industrie n'est pas moindre. A chaque instant, les commerçants des villes situées à la-limite, mais en dehors des- zones franches, subissent la concurrence terrible de leurs col lègues dés territoires zoniers. Les épiciers, par exemple, dans la région douanière ont vu baisser dans la proportion " de 75 % la vente des sucres, cafés, beurres, simplement parce que les habitants d'Annemasse, par exemifle, ou de tout autre lieu vont se ravitailler à moitié prix dans la zone. Certaines tolérances, en ef fet, sont d'usage courant ; mais ces tolérances, justifiées en ■ elles-mêmes, donnent tout de suite lieu à des abus. C'est ainsi qu'on a dû supprimer cel les qui se rapportaient au sucre, au café, et même aux légumes. Les marchands de charbon, du ter ritoire douanier ont eux aussi à lutter coritre leurs concurrents de la zone qui reçoivent en franchise les charbons et peuvent, étant , donné les tarifs de transport extrêmement faibles et mê me les primes à l'exportation, vendre leur : marchandise 40 ou 50 % meil leur marché. Nous n'en finirions pas d'énumérer les protestations, fort justifiées d'ail leurs, que ne cessent de provoquer, dans le commerce de l'Ain ou de la Haute-Savoie, les concurrents trop favorisés des zones franches., En résumé, c'est une population de 30.000 habitants: qui 'échappe aux commerçants français du- territoire douanier. Certes, je suis bien obligé de dire que les habitants des territoires situés en zones franches s'estiment fort heu reux1 de leur sort. La vie est, dans ce pays de cocagne, un tiers moins chère qu'à Annemasse, par exemple. Aussi voit-on une émigration assez -impor tante d'employés, de retraités et de petites gens se diriger vers les zo nes... Autant de perdu pour • le commerce et l'industrie savoyards. Il est vrai que •par un contre-coup prévisible, le taux des loyers a monté singulièrement en zone franche. Mais les denrées alimen taires sont en zone 50 % meilleur marché que derrière le cordon doua nier.'Et ceci compense largement cela. Donc, mécontentement du. côté suisse et du côté français. ;■ Ce mécontentement, disons-le' tout...
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Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
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