Extrait du journal
r' Vous roulez en auto... Je ne dis pas que vous faites-de la vitesse.- Je ne suppose 'même pas que vous en fassiez. L'homme, et pis encore, le touriste qui ne songe qu'à battre des records d'une ville à l'autre est yn mal heureux. Il va, il va, les yeux fixes, et sans jamais lever les yeux, car un acci dent est vite arrivé à une telle allure. Ne parlez point du paysage à ce possédé. C'est aux promeneurs moins fiévreux que ces lig:-.es s'adressent. Donc, vous roulez dans votre auto. Il n'est pas déraisonnable de penser que vous avez une auto, vu. qu'aujourd'hui c'est à peine un luxe,, et que nombre de gens se priveraient de manger plutôt que. de renoncer à leur voiture. Vous êtes en vacances, vous avez fui la ville noire, ses tramways, ses usines et ses marchandes des quatre saisons. La route s'ouvre devant vous, attirante et mystérieuse. A droite et à gauche, voici des champs, des prairies, des eaux,, des collines, un village. Arrêtez-vous, et voyez comme l'église a tendrement l'air de couver les maisons basses, groupées autour d'elle ainsi que des poussins : forte, délicate et vivante église, en dépit de la mousse qui la recouvre, souriante maison de Dieu, malgré sa tour trapue et son porche un peu sombre ! Ou bien, donnez un regard à ce châ teau, qui peut-être est une ferme, et dont la prochaine tempête jettera bas les briques vénérables, couleur de fram boise, les pierres couleur de cendre et le toit couleur de jade. Aimez-vous les cinq chênes, âgés de bien plus de cent ans, qui mènent jusqu'au seuil, et la mare aux canards qui s'arrondit dans l'herbe, et les poules perchées sur les fenêtres, et ce tas de fumier, là-bas, dans le coin ? Une famille de quinze personnes habite là, avec la bisaïeule et les trois petits-fils. A quelques lieues au sud, un gros bourg .vous -attend : vous- voudrez bien ne pas le traverser en coup de vent, car il. s'y trouve certain hôpital ancien, au cloître plus chargé de poésie que celui d'un couvent d'Italie, ou encore une maison à façade jadis travaillée comme une guipure, voire un vieil hôtel aux balcons ventrus, où écouter déclarations et sérénades... Et tant d'autres tnerveilles qui vont vous retenir à chaque dé tour du chemin, puisque la France en est pleine ! Or, pourrez-vous bien ne pas vous sentir saisis de respect devant ces ves tiges aussi émouvants qu'innombrables, de l'art séculaire français, et du goût, et de, la, noblesse, et du rêve, et de là ma gnanimité et de la grâce de nos pères ? Il ne devrait pas se trouver de saison plus favorable à l'éclosion du respect — au moins- envers les choses du passé — que la période du tourisme et des villé giatures. Il suffit en effet, pour s'en pé nétrer, d'ouvrir les yeux et de regarder...
À propos
Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
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