Extrait du journal

AU RAPPORT Chez le prince Macrôformando, dans son rez-de-chaussée du quai du Midi, décor somp tueux déjà décrit. Le prince, en élégant com plet d'homesput» pain brûlé, cravaté de rouge vif et ganté de peau de chien, se promène fié vreusement en cinglant de sa canne la peluche des divans et la soie des coussins ennuagés de. poussière; par les fenêtres grandes ouvertes on aperçoit le ciel bleu et la mer et, se déta chant très clair dans toute cette lumière, le groom et le buggy du prince; le cheval est fleuri d'œillets roses à la têtière, comme la boutonnière du veston du prince ; c'est la matin. Une portière se soulève : entre, effaré, Robert d'Atout en complet ' gris ardoise, cravaté de bleu turquoise, la boutonnière fleurie de cy clamens, moustache trop blonde excessive* ment travaillée aux teintures. . Le prince 6iuseppe. — Enfin 1 Robert d'Atout. — Tu me fais demander, j'accours. Le prince Giuseppe. — C'est heureux, tu en fais de belles. Robert d'Atout. — Moi ! qu'est-ce qu'il y a encore? Voilà deux nuits que je ne joue pas au cercle. Le prince Giuseppe. — C'est un tort, où les passes-tu alors ? Robert d'Atout, d'un air fat. — Ça, c'est mon affaire. Le prince Giuseppe. — Une petite femme? (Robert d'Atout fait le geste d'envoyer un baiser en faisant claquer,ses lèvres). Le prince Giuseppe, très froid. — Une aventure... Imbécile, tu as donc du temps à perdre, . ; ^ (Robert A'Atout reste coi). . Le prince Giuseppe. — 11 ne s'agit pas àe cela, tes nuits ,-t'appartiennent, mais qu'est-ce que ces lettres ? (Il lire de son veston une liasse de papiers parfumés de nuance claire qu'il étale sur la table). Robert d'Atout, jetant les yeux sur les papiers. -- Ces lettres, connais pas. Le prince Giuseppe. — Elles sont signées Robert pourtant, et d'un style qui te ressemble, c'est d'un coco, (il prend une lettre au hasard et la lit haut): « Madame, je n'ai pas l'honneur d'être connu de vous, mais j'ai le malheur, moi; de vous connaître ; voilà huit jours que j'ai perdu le sommeil, que je m'agite comme un fou sans âme, avec une idée fixe, celle de vous revoir, et un espoir insensé, je le sais, celui de vous approcher. Àlilsi vous vouliez être bonne, par pitié pour mes vingt-cinq ans désormais enténébrés d'un deuil irréparable (tu l'as pigée cette phrase), vous daigneriez répondre au plus obscur de vos admirateurs, R. H.X. poste res tante, et fixer vous même la nuance et la fleur de la bo'utonnière que je devrais avoir demain soir, au concert de la Jetée-Promenade, pour me faire enfin connaître de vous. Je suis blond, je suis grand, et des femmes, dont j'ai oublié le nom du jour où je vous ai vue, me disaient encore il y a un mois : « Robert je t'aime et tu es beau *. Ne brisez pas un cœur dont vouj êtes maîtresse, ne tuez pas une âme qui n'es> père qu'en vous ». Ça pourrait presque s'imprimer dans les pe< tites annonces des quatrièmes pages, mais K malheur est que tu manques, d'imagination et, qu'à pàrt'la 'nuance du papier qui, seule, dif fôre, elles se ressemblent toutes, tes petites circulaires......