Extrait du journal
Chez Rajîhaële, une grosse fille de vingtcinq ans, aux. yeux noirs, aux joues plei nes, aux façons' d'une distinction qui laisse un peu à désirer. _ Le dîner vient1 de prendre fin; arftour de la table, chargéè de bouquets, se tiennent, en des poses diverses, Raphaële, son frère Emile, un gaillard, à tournure d'ouvrier endimanché, la Grande Sœur, une blonde . laide qui travaille dans les - modes, et la ' Petite Sœur, Titine, une enfant • de huit ans aux yeux éveillés', qui ne perd pas un mot de la conversation. Emile (avec un accent où traîne toute l'âme de Ménilmontant). — Alors, pour ta fête, i t'a donné un salon, M'sieur Paul? La grande sœur. — Il est rudement 'gentil, tout de même. Quel âge a-t-il, dis, Raphaële ? . Raphaële. — Vingt-neuf ans. Emile. — La belle âge, s'il a toutes ses dents... C'est un homme à la hauteur. Il n'est pas purée comme nous, hein ? On n'a pu t'apporter que deux bouquets... Mais,tu sais, c'est de bon cœur... La grande sœur. — Oh ! ça, pour sûr ! Emile. — Parce que, y a pas à dire, t'es ma sœur, j'suis ton frère. Et moi, j't'aime comme ma sœur... Titine. — ...Qui bat du beurre... Raphaële. — Tu ne vas pas te taire, Titine? Titine. — Oh ! ben, moi, j'en ai assez d'être à table; v^à trois heures que ça dure; j'veux me lever. (Câline.) P'tite sœur, mène-nous, qu'on voie,le salon? Raphaële. — AJlons ! venez. Le quatuor entre dans le salon- tendu de rouge, rehaussé dé bandés dorées, oii les _ meubles battant neuf ont tout le chic par ticulier aux ameublements de cocottes. Emile [tombant en arrêt). — Mince ! La grande sœur. — C'est joli, très joli... L'autre jour, Madame m'a envoyé porter un chapeau chez une cliente qui vit avec un Américain très riche ; eh bien I c'était loin d'être .aussi élégant ! Titine (glissant sur le parquet et man quant déchoir) i — P'tite sœur, pourquoi que c'est ciré comme ça ? Raphaële. — Fais attention, tu pour rais tomber. Emile (tâtant les rideaux). — C'est de la soie, de la vraie soie ; tu ne sais pas, tes rideaux, quand i seront usés, j'ies re tiens. J'm'en ferai un costume pour aller au bal. La grande sœur.—Comme on est bien dans les fauteuils ! On enlonce, c'est moelleux ! Si j'en avais de pareils, je dor mirais dedans toute la journée. Titine (poussant un cri). — Aïe*! Elle s'étale tout du long sur le parquet. Raphaële. — Je t'avais bien dit de faire attention!... Titine (rageant). — C'est pas fort de cirer comme ça. J'm'ai rien étalée ! Raphaële. — Mademoiselle, ici vous êtes dans le monde; apprenez à bien vous tenir. Emile. — Viens, Titine, viens voir la dame qu'est sur la cheminée. Raphaële. — C'est une Vénus. Titine (pouffant).—Oh! oh! Emile. — Quéq' f as à rigoler comme un hussard ? Titine (montrant la Vénus). — An' a pas de bas. Emile. — Elle vient de prendre un bain, elle n'a pas eu le temps de les remettre. (D'un ton ému :) Tout de même, c'est un salon rupin ; y a pas à dire, c'est un salon qui dégotte. La grande sœur. — Raphaële a eu de la chance le jour où elle a connu Monsieur Paul. Titine (criant). — Aïe ! Au secours ! Emile.— Quoi? Titine. — J'm'ai encore étalée par terre. Pendant quelques instants, elle demeure étendue sur le parquet, en se frottant les côtes. Raphaële (rélevant Titine). — Voyons, vas-tu rester tranquille? Titine. — Tiens ! maman m'a fait met tre des clous à mes souliers ; tu trouves ça malin? Emile (apercevant le café et les liqueurs servis sur un guéridon). — Ah ! voilà le cognac... Moi, j'vais arroser le salon. (Il boit un petit verre de fine Champagne.) A votre santé, les duchesses ! (Il boit un autre petit verre). Si qu'on s'assoirait maintenant? (A ses sœurs. Contrefaisant les gentilshommes qu'il vit dans des pièces historiques aux théâtres dès boulevards extérieurs). Daignez prendre place à mes côtés. Je vais donner le signal de la fête. La grande sœur (s'asseyant).—Au fait, si Titine nous chantait quelque chose ? Titine. — Quoi que vous voulez que je vous chante? La grande sœur. — Le Rétameur. Titine. — Ah 1 non, c'est pas beau ! J'aime mieux les Petits Pinsons. Raphaële. — C'est ça, oui, les Petits4 Pinsons* -...
À propos
Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
En savoir plus Données de classification - de schoenfeld
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