Extrait du journal

Il s'était échappé,.,011 avait perdu sa piste. Au Havre, §* Southampton, à Londres, on avait, cru le voir ; il avait disparu. Il pouvait .s'embarquer pour quelque pays lointain, pour l'Amérique où l'on se perd commeuno chose qui tombe dans l'Océan! Devant lui, •— grâce à quelques billets de banque prê tés par un ami, — c'était la liberté, l'espérance du recommencement, et aussi, peut-être, le rêve, après des spé culations nouvelles . des créanciers désintéressés, de l'estime reconquise, le rêve de l'honnêteté future! il n'avait qu'à mettre le pied sur le pont d'un paquebot pour se trouver hors de péril, pour s'en aller dans les hasards souriants de l'avenir. Mais il aimait, le pauvre homme, une exquise jeune femme qui, tandis qu'il rôdait, poursuivi, chantait des musiques folâtres dans un théâtre de Bruxelles ; c'est pour la Belgique qu'il est parti ! et, un soir, des agents l'ont reconnu, non pas grâce au signalementqu'on leur donna, mais à cause du sourire, dont, assis dans un fauteuil d'orchestre, il remer ciait le regard que ne lui refusait pas, entre deux couplets d?opérette, la clémence de son amie ! Pour l'amour d'elle cet évadé , est prison nier. Il lui a paru moins cruel d'être empoigné* incarcéré, jugé, condamné, que de ne point la voir. Cela lui était bien égal, les gendarmes, le juge d'in struction, puisqu'elle" a les lèvres si roses et si tendres les yeux ! Il se sen tait trop épris d'elle pour ne point préférer la geôle voisine au lointain exil ; et, malgré qu'on en ait, malgré sa banalité de jadis, au temps de l'in nocence apparente, malgré l'infamie, bientôt, des escroqueries avérées et les désastres de. la. débâcle, on ne peut plus penser sans une miséricorde atten drie à ce voleur qui est un amant....