Extrait du journal
L'abbé Moz,' vieux prêtre à cheveux blancs, et son élève, Guy d'Ancourt, jeune homme brun et fort"; suivaient d'un pas vif de bons marcheurs, la route tournante des hauteurs de la Solle, d'où leur regard plongeait sur le cirque immense du champ de courses, tout en bas, et les pentes ro cheuses boisées qui se relevaient à l'autre bout et escaladaient le ciel, quand un ga lop furieux et un tonnerre de roues, que dominaient d'aigres et courts cris de fem mes, les saisirent d'une angoisse de péril et de catastrophe. Aussitôt une voiture basse, que traînait à grands cahots un cheval emballé, jaillit de la forêt, dispa rut au tournant d'arbres, et déboucha, fondant sur eux. L'abbé Moz, sans réflé chir, d'un élan généreux, se précipita, au risque d'être écrasé, saisit aux naseaux le cheval et, cramponné à la bête, sa soutane traînée dans la poussière, il disparut à un nouveau tournant de la route, tandis que Guy d'A.ncourt, médusé par le coup de foudre de cette vision, sortait de sa para lysie pour courir à toutes jambes, comme un fou, derrière la voiture, en criant : —Monsieur l'abbé! monsieur l'abbé ! Il retrouva M. Moz à cinquante mètres de là. Poudreux, nu-tête, son chapeau s'étant perdu en route, l'abbé, tout rouge, contenait à deux mains le cheval arrêté qui, le poil en sueur, les quatre jambes écartées, restait stupide, avec ses flancs agités Comme un soufflet de forge. Guy était si ému qu'il ne trouva que cela à dire. — Votre chapeau, Monsieur l'abbé ! Puis, car c'était un honnête garçon, les larmes lui vinrent aux yeux, et, aussi blaçc que sa chemise, il balbutia : — Oh ! Monsieur l'abbé, c'est brave ce que vous avait fait là! Quelle peur j'ai eue pour vous! L'abbé sourit : . • — Bah ! mon ami, il ne faut que mettre sa confiance en Dieu, et avoir le poignet solide. Prenez garde, que je fasse tourner ce cheval ; et nous irons à la recherche de mon chapeau et de la ou des personnes que contenait la voiture. Ils s'aperçurent que la charrette était brisée par derrière, ayant heurté un arbre ou un rocher. — C'est vrai, dit Guy effrayé, ces cris qne nous avions entendus, mon Dieu ! s'il y avait quelqu'un de tué ou de blessé ! L'abbé fit un signe de la Croix, et ce geste calme et simple, par sa vertu, ren dit quelque assurance au jeune homme. — Ah ! fit l'abbé, voici mon chapeau ! Guy courut, ramassa l'objet comme une relique, l'épousseta de son mouchoir et le rendit à son précepteur qui s'en coiffa tranquillement; le cheval, qu'il menait en bride, le suivait docilement, si doux maintenant qu'on n'aurait jamais cru que la même bête se fût emballée. On avait dépassé l'endroit où M. Moz s'était jeté à la tête du cheval, quand, entre les arbres, Guy aperçut une robe rose, la forme d'un corps gisant contre terre, au bord du talus. — Mon'Dieu ! Mon Dieu ! répéta-t-il, le geste étendu, et sans que l'abbé pût le re tenir, emporté par une curiosité affreuse, il courut vers la forme immobile. A me ■ sure qu'il approchait, son cœur lui faisait mal et il écarquillait les yeux. Arrivé de vant la femme qui gisait, la face dans l'herbe, à plat ventre, les bras en avant comme pour se protéger, une jambe hors de la jupe jasqu'à la jarretière, tout le corps déjetê comme une grande poupée cassée, il resta immobile, pétrifié, n'osant toucher ce corps, troublé par le chignon d'or à moitié défait, *t surtout par cette jambe fine e£ jolie. L'abbé, qui, remorquant la voiture, ar rivait sur les lieux, lui cria, le visage sin gulier et la voix tout en colère : — Eh bien, est-ce qu'elle vit, ou non? Soulevez-la donc ! Qu'est ce que vous fai tes là, planté ? Guy murmura : — .Te... je n'ose pas. M. Moz avait attaché le cheval à un arbre et déjà', se penchant vers la femme : — Aidez-moi donc, là, doucement, asseyez-la... mais soutenez-la donc ! Est-ce que vous n'avez pas dans votre poche vptre petit flacon d'ammoniaque pour les piqûres de bêtes ? — Si... si, je crois, marmottait Guy, fouillant dans ses poches, sans pouvoir détacher ses yeux du visage de la femme, un blanc et gracieux visage, où l'évanouis sement mettait la teinte bleuâtre du petit-...
À propos
Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
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