PRÉCÉDENT

L’Écho de Paris, 28 mai 1898

SUIVANT

URL invalide

L’Écho de Paris
28 mai 1898


Extrait du journal

UNE PERTE La disparition de Mazas est une date plus importante qu'on ne croit de l'histoire de Paris. Mazas était, en effet, une prison es sentiellement parisienne. Je ne dis pas qu'il fallait des recommandations pour y être reçu, mais enfin elle avait un cachet spécial. On y avait vu successivement des personnalités appartenant à tous les mondes et le fait de sortir de Mazas avait un je ne sais quoi de pimenté etde joyeux. On n'était pas déshonoré de la même façon en allant à Mazas qu'en étant incarcéré dans une prison ordinaire, et, sans être aussi célèbre et surtout aussi bien noté que le perron de Tortoni, il y avait, au perron de Mazas, des financiers qui s'y re trouvaient de temps en temps, entre deux opérations. Certaines cellules ont leur histoire, des inscriptions littéraires, une légende. Il paraît qu'on ne s'y embêtait pas. Notro confrère M. Edouard Conte a eu la curiosité de visiter Mazas avant sa démoli tion et il nous révèle une particularité inté ressante de son histoire. Il n'y a jamais eu d'évasion à Mazas. Est-ce à cause du système de surveillance qui y était employé"? est-ce à cause de la dis position des murailles qui partent toutes d'un point central formant de longs couloirs droits qui pouvaient être surveillés facilement ? Le fait est que . jamais un prisonnier n'a quitté Mazas sans être accompagné par un représen tant de la police. Il est probable que l'agrément du séjour de la prison était tout simplement la raison pour laquelle nul ne songeait à la quitter. Les di recteurs en étaient charmants d'ordinaire et les gardiens indulgents aux faiblesses hu maines. * C'est, dit-on, un grandhôtel genre Terminus que l'on va construire sur l'emplacement de Mazas. Espérons que les garçons en seront aussi complaisants que les gardiens qu'ils remplacent, et que la cuisine y sera aussi soignée. G1ÏAINDORGE. CHRONIQUE Entre deux soirées de théâtre, l'une ex quise, l'autre infâme, je m'en suis allé passer quarante-huit heures aux bords de l'Océan, sur la terre bretonne, chère pa trie choisie par les amoureux de la rêve rie et de la solitude. Je ne m'arrêtai point dans une ville, ni dans un port fameux, car mon excursion prétendait à un point lointain et solitaire de là côte connu seu lement de quelques-uns, où nous vécû mes naguère, heureusement, en paix de vant un grandiose paysage . marin. Je quittai la ville et, sur la banquette d'une antique patache, je roulai à travers une contrée à laquelle leloignement de la voie ferrée, les communications rares laissent encore de la nature, de la poésie et du mystère. Le ciel était de cet adora ble.gris que je préfère au charlatanisme du soleil,, de cette fluide grisaille qui dé ploie sur les choses et les êtres un voile de mélancolie infiniment douce qui se re flète dans les regards d'une race triste et silencieuse, dans le calme de la réflexion, dans l'énergie persistante de l'action. Des genêts en fleurs jaunissaient sur chaque côté de la route et plus loin les jaunes couches des ajoncs fleuris cou raient en ondulations violentes jusqu'à la mer. A droite, 1î Morbihan étalait les on des grises de son vaste lac comme en dormi et dans coite petite mer pareille à l'autre par les tempêtes, les écueils, les trahisons, émergeaient les dix îles d'un archipel divers et contradictoire par la grâce et la richesse de celles-ci, par la sauvagerie et le secret druidique de celleslà; mais à gauche, au détour de la route, apparut l'Océan dont tumultueusement les flots verts battaient les rives de la presqu'île comme jetant un défi indigné à la petite mer- captive dans les terres. Jamais je ne saurais exprimer le charme de ce ciel gris, la douceur dont il enve loppe, la quiétude dont il pénètre. La patache roulait irrégulièrement au trot de deux chevaux peinant, suant et très joyeux, dont l'un mordillait l'autre et gambadait aux plus rudes montées. Audessous de moi, les dirigeait le cocher dont je n'apercevais que les longs favoris ; il ne cessait de causer avec ses bêtes et témoignait toute sou affection à la préfé...

À propos

Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.

En savoir plus
Données de classification
  • morel
  • chantereau
  • belin
  • fabérot
  • casi
  • michel perrin
  • avellan
  • chauvin
  • saint-maxen
  • tamizey de larroque
  • paris
  • willis
  • gibraltar
  • chambre
  • bergame
  • alpes
  • rome
  • eure
  • aix
  • larroque
  • la république
  • banque de france
  • union postale
  • institut
  • impri
  • sénat
  • assemblée nationale