Extrait du journal

Sur l'ordre du ministre de la justice, des poursuites sont engagées contre un journal, pour avoir publié un compte rendu détaillé d'un fait divers. Le ministre rappelle à cette occasion qu'il est interdit de mettre en vedette les criminels, et que la place réservée dans les journaux aux reportages sur les cri mes est strictement limitée, toute infrac tion à ces règles étant sévèrement punie. Vous iie comprenez pas? C'est que j'ai oublié d'allumer ma lanterne. Le journal poursuivi est un journal turc: le SonPosta. Et c'est le ministre de la justice d'Ankara qui a ordonné les poursuites. Le fait divers dont le compte rendu vaudra au Son-Posta une condamnation est pour tant assez banal. Il s'agit de l'assassinat d'une jeune fille par son ami jaloux. Peu importe. Le dictateur Kemal estime que les récits de sang et de boue sont nuisi bles à la moralité publique. Il les a inter dits. Déjà, voici plusieurs années, un autre dictateur, Mussolini, avait pris une décision analogue et les journaux italiens avaient dû s'incliner. On peut discuter à perte de vue sur cette restriction apportée à la liberté de la presse. La mesure se justifie-t-elle ? Les récits trop détaillés de faits divers crapuleux .peuvent-ils influer sur la mora lité publique? Y a-t-il un intérêt social à empêcher un trop complaisant étalage de turpitudes et de vices? J'avoue que, en ce moment, je serais tenté-de répondre par l'affirmative. Mais nous ne sommes pas en Turquie. FKOSFËR....